Archives de catégorie : Péril Rouge

La gentrification ici et ailleurs

Depuis les années 90 un terme semble incoutournable lorsqu’on aborde la question de l’amménagement des villes : la « gentrification ». Ce terme définit les conséquences des politiques de rénovations urbaines.

 

Depuis les années 90 un terme semble incoutournable lorsqu’on aborde la question de l’amménagement des villes : la «gentrification». Ce terme définit les conséquences des politiques de rénovations urbaines.
La rénovation des centres villes est, depuis les années 80, un enjeu majeur de la politique de la ville. En effet, l’idée est pour nos édiles (maires, conseillers municipaux …) de rénover les centres villes vétustes et de les «valoriser» par la même occasion. En gros prenez un centre ville ou le bâtit décrêpit ne permet pas d’augmenter les loyers et et vous avez un centre ville de bas standing. Rénovez maintenant des logements datants parfois de l’après guerre et vous pourrez augmenter vos loyers, ainsi vous aurez des locataires plus fortunés, un centre ville de plus haut standing et donc la possibilité d’adapter les commerces et le coût de la vie dans le centre à une population (clientèle) plus aisée. C’est cela la gentrification, la transformation des centres villes qui a pour conséquence d’exclure ceux qui n’auront pas les moyens de vivre dans ce centre rénové et embourgeoisé.
Pourtant quand on regarde dans quel logements certains proprios font vivre leur locataires il y a de quoi rêver de ces centres villes moins énergivores, plus verts et plus agréables à habiter. Mais il ne faut pas s’y tromper dans un monde ou tout se marchande (vaut un prix) ces rénovations ne sont pas faites pour les habitants pauvres des villes. Si ce phénomène n’est nommé gentrification que depuis les années 90 il existe depuis la fin du XIXème ; les boulevards haussmaniens de Paris n’avaient pas été construit pour les ouvriers du vieux Paris qui furent repoussés de l’hyper centre au faubourgs …
Paris d’ailleurs est bien le modèle de la ville rénovée ou les cadres vivent dans des quatiers pittoresques au milieux d’un centre ville transformé en galerie marchande géante ou flannent les commercants petits et grands et les cadres supérieurs. Pendant que ceux qui n’ont plus les moyens de se loger dans le centre (travailleurs au SMIC, petits salaires, précaires, chomeurs, familles nombreuses etc) vont habiter toujours plus loin des centres, tout en devant venir souvent y travailler. Et le comble est que ce qu’ils retrouvent en banlieu se sont des logements encore vétustes et toujours un loyer à payer … Ca valait bien la peine de voter pour le grand projet «Nouveau centre ville 20**» !
Cette gentrification se développe également du fait de considérations économiques ainsi la position géogaphique d’une ville par rapport aux grands axes d’échanges ou au coeurs économiques, étatiques d’un pays peut soit accélérer soit ralentir ce phénomène. Il convient alors pour les maires et leurs élus de durement batailler pour être reconnu comme une place attractive. Pour cela il faut développer des bassins d’emploi propre à attirer des cadres, et des investissements de prestiges pour gagner en «attractivité’’ ; capacité à transformer son centre en un enroit chic ; économiquement attractif …Autement dit pas pour les pauvres qui habitent encore les centres villes. A titre d’exemple de cette «compétition» ou plutôt de cet enjeu on peut citer le classement que fait Forbes annuellement des villes les plus «attracive», et ou Brest est arrivée en 2020 à la première place. Cela permet à cette petite ville d’attirer le premier janvier 2023 une société américaine du numérique, Accenture. La ville d’ailleurs ne cache pas ses ambitions avec la rénovation des bords de la Penfeld, avec l’ouvture du centre culturel des Capucins qui acceuil maintenant tout les forums sur le «développement» économique.

Si nous ne voulons pas nier que cette rénovation du bâtit est nécessaire nous ne pouvons que constater que dans une société capitaliste elle n’est pas faite pour la qualité de vie des habitants mais pour dégager une marge plus importante pour les propriétaires. Et on les entends déjà ceux qui nous diront «Oui mais le proprio il le rénove, ca lui coute, il doit se rembourser gna gna gna» … Déjà les politiques de gentrification se font à l’initiative de nombreux acteurs : entreprises de BTP, propriétaires et mairie (relais de l’état) et ne vous inquiétez pas, souvent l’Etat finance à grand coût d’aides les rénovations des propriétaires… Quand au promoteurs et bien se sont les spéculateurs en chef de l’immobillier ils construisent puis revendent des logements qui ne seront plus habitables même par ceux qui, travaillant dans le batiment, oeuvrent souvent sur les chantiers de rénovation. Bref le casse du siècle, soutenu avec enthousiasme par l’état et ses administrations locales. Quand au priopriétaire qui souvent a touché des aides de l’Etat pour sa rénovation, il continuera à se gaver en augmentant grassement le loyer !
En parallèle de cette exclusion des plus précaires des centres villes il faut ajouter que la gentrification se produit alors que la tendance depuis les années 70 est à la concentration par la métropole (la ville monde littéralement) des services et activités sociales : santé, éducation, loisir, travail… Exclure les plus précaires des centres villes a donc pour conséquence de condamner un nombre conséquent d’entre eux à vivre éloignés de services essentiels et donc à perdre leur temps (comme si le travail ne suffisait pas à perdre son temps dans les transports en commun interminables (cf : le métro à Paris). Hors du centre : c’est l’espace des zones industrielles, des quartiers enclavés et bien sur de cette campagne monotone vidée de tout qui s’étend à perte de vue. Sous le capitalisme on rationnalise et on concentre dans des zones spécialisées les acivités et qu’importe la stratification absurde des espaces que cela engendre.

Cette tendance à l’augmentation des loyers dans les centres villes se renforcent et se combine avec des phénomènes nouveaux et opportunistes. La mode des Airbnb, par exemple, qui permet aux proprios de louer cher et sans même s’emmerder avec un locataire à l’année. Ainsi les cadres et les patrons auront ils de temps à autres pour voisin un salarié ou un précaire qui aura économisé pour un séjour dans un Aibnb qu’il rêverait être son appart à l’année … Et qui lui permet un temps de vivre dans un hyper-centre.

Il faut ici tirer deux constats : la gentrification n’est pas à notre avantage et son degrés d’avancement est variable selon les quartiers et les villes. Qu’en est il alors de Brest ? Et bien elle ne fait pas exception à la norme. Avec plus de 32 % d’augmentation des loyers en 5 ans la Métropole Océane prend enfin en marche le train de la gentrification. Avec le départ de l’armée, la Penfeld se dégage ; enfin l’espace rêvé pour élargir Siam et avoir sa Riviera ! En parallèle ne reste qu’à gentrifier le pourtour, de saint marc à Recouvrance, de saint martin à Europe.
Bientôt à Brest comme ailleurs nous vivrons éloigné de nos lieux de travail et de vie. Il existe donc un fossé entre les locataires et les bailleurs. En effet cette question de la genrification est lié, ne nous y trompons pas, à celle de la propriété privée du logement. Car oui si les loyers peuvent augmenter c’est bien que quelqu’un nous les réclame ! Si l’acquisition de la propriété d’usage (un logement ou on vit) est de plus en plus dur, c’est bien parce que certains les vendent en les quitant ou les accumulent, les achètent pour ensuite les revendre. Bref c’est ce système d’échange et d’accumulation que nous devons critiquer en même temps que la gentrification : la gestion capitaliste et marchande du logement.
Mais avant d’en arriver à l’abolition du marché de l’immobilier et des profiteurs qui en vivent et s’en gavent il faut pouvoir lutter contre leur politique de la ville. Pour cela il nous faut nous retrouver et prendre conscience de nos interêts communs, pour cela, dans un monde atomisé (c’est à dire qu’on ne connait guère nos voisins) il faut ouvrir des espaces de rencontres. Les repas collectifs, mutuelles d’entraides, sont autant de prétextes à se tenir au courant de nos situations et à faire connaissance.
De la naitront les moyens de notre résistance à la gentrification de Brest et d’ailleurs, la solidarité en cas de coup dur et le recours collectif (empêcher une expulsion par exemple, exiger une baisse de loyer, ou cesser de le payer) semble pour nous un préalable à ce combat pour reprendre le pouvoir sur la ville et les centres dont nous avons été exclus. L’abolition de la propriété privée du logement et de sa marchandisation sera un cap, certes qu’il sera dur d’atteindre mais qui donnera la force de resister à l’offensive des promoteurs du centre ville de haut standing et bientôt, espérons, de passer à l’offensive !

Enfin pour couper court à une critique que nous craignons, nous ne sommes pas nostalgiques des logements vétustes, amoureux de la moisissures ou du «charme pitoresque» des vieux centres … Mais si nous voulons voir nos centres rénovés c’est pour et par nous ! Sans patrons de BTP imposant des chantiers avec effectifs réduits et cadences doubles, ni pour voir nos loyers grimper, ni pour remplacer une population par une bourgeoisie bon ton ! Ca sera pour nos conditions de vie et ca sera … Gratuit !
Parce que nous sommes une écrasante majorité d’habitants et qu’ils sont une poigné de vautours : Reprenons le pouvoir !

A bas la propriété privé et l’accumulation! Tout pouvoir à la base !

 

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Retraites à 60 ans? Non merci!

Spectacle

La nouvelle reforme des retraites tentée actuellement par le gouvernement, se retrouve être une des réformes les plus contestées de ces 20 dernières années. S’y trouve opposé un large front, de la gauche libérale en passant par les partis réformistes et syndicats co-gestionnaires jusqu’aux révolutionnaires, un front si large nous apporte nécessairement, entre autres, le spectacle d’un conflit parlementaire d’envergure.

Ce conflit donne lieu à un spectacle ridicule, entre envolées lyriques et insultes voilées mais toujours très mesurées (républicaines). Les Insoumis cachant derrière l’outrance une fausse radicalité travaillée. La direction de la CGT elle, voudrait débattre ; préalable sûrement à la future négociation qu’elle fera sur le dos du mouvement, elle reste dans son rôle, celle de co-gestionnaire de l’enfer salarié.

Ce spectacle ne fera que pointer à toutes celles et ceux , qui déjà rejetait le jeu parlementaire ou qui n’y voyait qu’un intérêt très limité, la dépossession politique qui est la leur. L’impossibilité, malgré des millions de personnes dans les rues, d’une prise de pouvoir réelle sur le monde qui nous entoure, cadenassé par l’état, le capitalisme et la sociale démocratie.

Assemblées

Autre composante du mouvement les assemblées autonomes ou se réunissent bien des gens, étudiants ou travailleurs et qui ont majoritairement pour souhait un mouvement plus intense et qui dépasse les cadres légalistes.
Bien loin de la mollesse intersyndicale ces AG , par leur dynamisme et leur organisation horizontale semblent être les seuls bastions subversifs de ce mouvement. Elle sont la résultante d’un mouvement réel attaché à lutter bien au delà de la réforme des retraites.

Dans ces AG pourtant, comme dans le reste du mouvement un terme revient souvent, celui de la massification. Le mouvement le nécessiterait, il nous faudrait y tendre. Un chiffre est pourtant clair et répété à foison : 93% des actifs serait contre la réforme. Le travail de ces assemblées est-il d’augmenter ce pourcentage ?
La massification n’est elle pas qu’une chimère paralysante répétée en boucle, par les tenants du mouvement qui ne recherche qu’un simple retrait ou une négociation du moins pire? Cette massification n’est pas une chimère paralysante dans la possibilité de futures actions mais bien paralysante de l’horizon politique désirable qu’elle empêche et dilue.

Horizon politique désirable

La CGT et SUD nous parle d’une retraite à 60 ans mais elle ne sont pas seule, l’UCL est de la partie.
Ils nous parlent de la stratégie de la petite victoire, devant nous permettre d’ouvrir dans les esprits l’horizon des luttes. Mais avec l’état actuel du combat syndical et le peu d’engouement à la grève, est ce seulement une stratégie valable ? Un horizon politique plus large ne motiverai t’il pas plus?
Nos réalités face au travail sont aujourd’hui si éclatées que refuser d’agir globalement sur le monde qui nous entoure, nous enferme dans une opposition stérile et dans des luttes syndicales corporatistes en échec face à ces nouvelles réalités. Quand le mouvement ouvrier à pu offrir une vision du monde globale, un modèle de société viable, désirable. C’est le seul moment ou il a pu attirer les gens vers lui.

La revendication d’une retraite à 60 ans n’est pas désirable, on larbinera certes deux ans de moins, mais on larbinera toujours.

Pour cet optique d’horizon désirable, pour des objectifs motivants et avec une prise palpable sur la vie de tout les jours. Il nous faut prendre l’exemple des gilets jaunes. Mouvements initié par un rejet de l’augmentation des prix du carburant, objectif limité sommes toutes. Celui ci déborde rapidement sur la question de la vie quotidienne et de l’augmentation globale des prix. Mais aussi sur la question de l’organisation politique et sociale, avec l’anti-bureaucratisme qui émerge du mouvement, celui-ci s’exprimant par l’ostracisation des chefs autoproclamés. Tout cela avec une organisation en assemblée qui leur semblait couler de source. La revendication, certes très questionnable du RIC, démontre également cette volonté que ce mouvement à eu d’agir globalement sur le monde qui l’entoure.

Ce mouvement des retraites nous permet sans difficultés de poser la question centrale du travail salarié. En effet qui, face aux chiffres avancés par les différents camps, ne calcule pas le temps qu’il lui reste à subir, le temps qu’il lui reste à sacrifier pour payer la Mercedes du patron, ou le voilier du proprio.
Souhaitons nous encore sacrifier notre temps pour des intérêts qui ne sont pas les nôtres. Et quand bien même nos activités ont un rôle éminemment collectif, comme le soin par exemple, combien de temps accepterons nous notre totale dépossession sur ces questions, dans l’intérêt seul de ceux qui recherche le profit.

Le travail salarié nous dépossède de tout, du sens de nos vies, à notre temps en passant par les réels besoins collectifs.

Faire passer la question de la défense des retraites, objectif de composition républicaine, à celle de la destruction du travail salarié, objectif de subversion du système capitaliste paraît être une solution aujourd’hui envisageable et surtout désirable.

 

Comme on dit à Brest :

« Mauvais larbins de tout les pays unissons nous ! ».

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Un pavé dans la mare antifaciste

Le recul des luttes collectives et le repli identitaire, imputables au capitalisme, participent à l’essor du nationalisme et du fascisme. Toutefois, une autre menace que notre camp politique refuse de considérer comme telle, voit également son essor : le religionnisme.

 

La lutte antifasciste ne semble pas vouloir combattre le fascisme sous toutes ses formes, notamment celle de l’islamisme [1]. En effet, la volonté de l’Etat de dissoudre l’association humanitaire BarakaCity qui vient en aide aux musulmans persécutés dans le monde entier, comme les Rohingyas en Birmanie ou encore les Ouïghours en Chine, a été contesté par des groupes antifascistes comme l’Action Antifasciste Paris-Banlieue ou l’Action Antifasciste Nantes et plus récemment le GALE. Or, dans ce cas précis, l’association est dirigée par un salafiste notoire, Idriss Sihamedi, qui ne cache pas ses opinions, si tant est que l’on puisse tolérer dans notre camp politique d’appeler ça une opinion. A titre d’exemple, celui-ci a affirmé que la pandémie était une bénédiction car elle lui permettait de refuser de serrer la main des femmes au travail [2]. Il a également assuré son soutien aux talibans après la conquête militaire de l’Afghanistan par ces derniers [3]. Bien évidemment, il ne cache pas non plus son antisémitisme [4]. Aussi, sa demande d’asile politique à la Turquie n’est pas anodine lorsqu’on sait que le fasciste turc Erdogan soutient militairement Daesh au Nord-Est de la Syrie [5].

S’il peut être affirmé que la menace islamiste est exagérée par les médias, la droite ainsi que l’extrême-droite, il est de bon ton de rappeler qu’une partie non-négligeable des combattants au Moyen-Orient dont notre camp politique se fend d’aller affronter en Syrie, sont originaires ou bien ont grandi en Europe de l’Ouest. Il en va de même de la quasi-intégralité des attentats commis en Europe. Ainsi, il est systématiquement reproché aux camarades qui dénonceraient notre aveuglement face à l’islamisme d’être islamophobe tout en continuant à revendiquer leurs participations à la lutte contre Daesh au Rojava. Nous ne devons pas accéder de telles contradictions au sein de notre camp.

Ceci n’est pas sans rappeler le soutien de l’extrême-gauche à la révolution islamique en Iran durant les années 70 et l’ignorance de l’existence de forces révolutionnaires au Maghreb durant les années 80 qui se sont faites massacrées dans l’indifférence, laissant place aux courants obscurantistes dans les années 90 comme le FIS en Algérie ou les Frères Musulmans en Egypte, dont l’influence n’a fait que s’accroître. En dernière analyse, il est de bon ton de rappeler qu’en 1959, ce sont des ouvriers et des paysans irakiens qui brûlaient des Corans tout en voulant expulser les impérialistes occidentaux de leurs pays [6] [7].

L’islamisme que nous dénonçons n’est en rien une vision rigoriste, radicale ou extrême de l’islam traditionnel. En réalité, l’islamisme est un pur produit de la modernité né en réaction à la crise que nous sommes en train de traverser, de la même façon que lors de l’avancée du capitalisme et de la dépossession de la vie, les identités nationalistes ont pris de l’ampleur. En effet, l’extension du capitalisme et de ses logiques mercantiles à l’ensemble de la planète, la destruction des liens sociaux et du sens que prend toute cette logique productiviste poussent les gens à se retrancher dans des identités religionistes, identités qui étaient pour certaines personnes qui les embrassent complètement inconnues quelques mois voire semaines avant leur « radicalisation ».

Si en Europe, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient elle prend la forme de l’islamisme, nous ne sommes pas sans ignorer qu’en Amérique du Sud ou dans certaines parties de l’Afrique ce sont les sectes évangélistes qui assurent ce rôle. Pour permettre à de nombreuses personnes de se rallier à ces projets réactionnaires, ces groupes religionistes organisent la solidarité dans les marges du système capitaliste, remplaçant le rôle de l’Etat, supplétif du Capital [8]. C’est pourquoi la lutte contre le fascisme n’est pas seulement la lutte contre la barbarie (entendu au sens de la formule « Socialisme ou barbarie » de Rosa Luxemburg) mais également la lutte anticapitaliste. Car s’il est bien une raison de la montée de ces fascismes, qu’ils soient occidentaux ou islamistes, c’est l’augmentation de la précarité et le délitement des liens sociaux dans une société mondialisée où chaque individu est en lutte avec son prochain, et ce à toutes les échelles.

Ces œillères concernant l’islamisme ont également pour conséquences de propager un antisémitisme « doux » au sein de notre camp politique. En effet, depuis la seconde Intifada menée par le Hamas et le Jihad islamique, « l’abolition d’Israël » plutôt que la contestation de sa politique d’apartheid en Palestine est devenue une idée courante au sein de l’extrême-gauche alors même que le FPLP avait reconnu l’existence d’Israël depuis 1988 [9]. Ce faisant, la gauche israélienne qui affirmait alors que personne ne voulait détruire Israël s’est fait décrédibiliser par les faits et a observé la dégringolade de son influence face à celle de la droite et de l’extrême-droite israélienne qui ont durci les conditions de vie ainsi que la guerre menée aux Palestiniens [10].

D’autre part, la percée d’opinions controversées au sein du mouvement décolonial par la mouvance indigéniste n’a jamais été critiquée ou bien partiellement, comme par exemple l’homophobie et l’antisémitisme latents ainsi que le soutien au Hezbollah et au Hamas de Houria Bouteldja [11] [12]. En conclusion, par opportunisme, l’extrême-gauche refuse de prendre au sérieux l’islamisme qui partage plein de points communs avec nos ennemis fascistes. Il arrive parfois même que l’on retrouve certains d’entre eux dans les cortèges de la Manif pour tous [13].
Enfin, rappelons qu’en 2005 lors des émeutes, ce sont les imams qui ont appelé au calme tandis que les banlieues s’insurgeaient contre les inégalités toujours plus grandes qui les séparaient du reste des Français. De même, ce sont des salafistes qui souhaiteraient foutre dehors les sans-papiers de la Guillotière [14] … S’il est évident que la lutte contre l’islamisme n’est pas évidente tant l’amalgame entre islamisme et islam est pratiqué régulièrement par les médias, la droite et l’extrême-droite et que leurs réseaux sont bien mieux organisés et soutenus par des puissances étrangères, celle-ci ne doit pas devenir absente de nos luttes.

Notre antifascisme se doit d’être sans compromis.

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[1] Nous différencions ici l’islamisme, réinterprétationmoderne et extrémiste de l’islam, de l’islam traditionnel dont les pratiquants font d’ailleurs parti des premières victimes des islamistes au Moyen-Orient contrairement à ce qu’affirme la droite européenne, au point de pousser des Syriens à changer de foi. C’est pourquoi, la dissolution de BarakaCity n’est pas à mettre sur le même plan que celle du CCIF.
[2] Idriss Sihamedi sur Twitter : « C’est la première fois de ma vie que je peux dire à une femme qui veut me serrer la main ‘non’ dans la joie et la bonne humeur. Ça fait bizarre de voir que des choses halal deviennent normales. »
[3] Idriss Sihamedi sur Twitter : «Qu’Allah descende sur le peuple Afghan les plus belles richesses, les plus beaux hôpitaux, plus belles écoles et le plus bel avenir que le pays n’a jamais pu rêver. Amin ya Rabb !»
[4] Toutefois, son antisémitisme est à mettre en regard avec celui de notre société qui n’est pas un parangon de la lutte contre l’antisémitisme, y compris au sein de la gauche et de l’extrême-gauche que l’on peut voir se rallier régulièrement au mot d’ordre de la « destruction d’Israël » (cf. Moishe Postone sur le sionisme et la gauche).
[5] Cependant, nous nous devons de rappeler que des entreprises françaises concourent également à l’armement et à l’équipement des forces fascistes turques ainsi que djihadistes (cf. Lafarge et Thalès).
[6] Bien entendu nous défendons la liberté de croire avant la critique de la religion et a plus forte raison nous combattons l’autodafé qui est une pratique a jeter aux oubliettes. Toutefois, c’est une des formes qu’a pu prendre la lutte contre l’autorité au Moyen-Orient parmi les classes laborieuses.
[7] Adresse aux révolutionnaires d’Algérie et de tous les pays – (sinedjib.com)
[8] Préface de Norbert Trenkle à L’Exhumation des dieux. Islamisme et capitalisme du groupe Krisis (Décembre 2020) - Critique de la valeur-dissociation. Repenser une théorie critique du capitalisme (palim-psao.fr)
[9] Le sionisme, l’antisémitisme et la gauche, par Moishe Postone - Critique de la valeur-dissociation. Repenser une théorie critique du capitalisme (palim-psao.fr)
[10] N’oublions pas également qu’Israël n’est pas exempt de racisme à l’intérieur de ses propres frontières, en témoignent le traitement des Juifs et Juives noirs ainsi que les israéliens arabes ou encore le soutien militaire d’Israël à l’Arabie Saoudite qui bombarde en partie des juifs yéménites sans que ça ne pose problème.
[11] Il n’est pas question ici de traiter Houria Bouteldja d’islamiste, toutefois, la percée de ses « opinions » controversées illustre la naïveté, l’ignorance voire le refus d’une partie de notre camp quant au fait de lutter sur tous les fronts sans compromis.
[12] A la Manif pour tous : « C’est bien que vous soyez là, les musulmans. Nous, on est trop gentils » (nouvelobs.com)
[13] Dans les mosquées, les prêches appellent au calme (lemonde.fr)
[14] Lyon, quartier de la Guillotière : les pouvoirs publics en échec face à la nouvelle délinquance (marianne.net)

Désenchantée, désilusion en millieu féministe

De si loin que je me souvienne, j’ai toujours été ambivalente et sceptique sur la question des luttes partielles, notamment sur les formes qu’ont prises les luttes féministes. Entendons-nous bien…Non pas qu’il ne faille pas reconnaître certaines luttes spécifiques ni combattre les oppressions et les rapports de domination qui les sous-tendent. Mais disons plutôt que ces luttes doivent à mon sens nécessairement s’inscrire au sein d’un combat plus global : celui de l’émancipation individuelle et collective de toutes et tous.

Celui de l’émancipation de l’immense majorité des dépossédé.e.s.

Aussi, heureuse , soulagée et exaltée que les milieux dits révolutionnaires s’emparent enfin des questions féministes et du patriarcat, j’ai depuis une vingtaine d’années vagabondé et cherché moi aussi à rencontrer des personnes avec qui parler, penser, partager et nourrir mes réflexions pour lutter et s’organiser collectivement à la base.
Mais la lune de miel ne fut que trop courte et m’a laissé un arrière goût amer toujours vivace aujourd’hui. Les interrogations, les doutes puis l’incompréhension, et enfin la violente déception ont surgi telles des ombres angoissantes surplombant mon cheminement, mes diverses rencontres et de mes tentatives d’organisation collectives.

Très vite, le débat, la conflictualité constructive, structurante d’une pensée commune qui évolue et se partage, sont devenus quasi impossibles.
Toutes formes de critiques, de conflits (pourtant nécessaires) sont devenues des agressions…
Les remarques « bienveillantes » sont devenues des attaques destructrices déguisées…
La confiance en soi s’est étiolée puis abîmée…
L’espoir et la joie ont laissé place aux désillusions et à la tristesse, parfois au sentiment de solitude…

Je me suis sentie parfois confuse et perdue, traversée par un tourbillon d’émotions et de réflexions…

•Désabusée d’avoir été trahie et utilisée à de viles fins politiciennes par des groupes, organisations et-ou collectifs pseudo-révolutionnaires et suffisants, qui ne pensaient finalement qu’à grossir leur rang en érigeant de nouvelles normes aliénantes plutôt que de les subvertir.

• Déconcertée de ne pas m’être rendue compte tout de suite que ma parole ne valait pas autant que mes ressentis, que mon discours construit ne valait pas autant que mon vécu. Que seules mes expériences personnelles me rendaient légitime à parler et à oser contredire mais que mes questions, mes critiques et ma pensée politique n’étaient finalement envisagées que comme le pâle reflet de mon « insuffisante déconstruction ».

•Blasée de la victimisation imposée et du culte de la souffrance, de l’écoute biaisée qui te catalogue en fonction de tes ressentis, de ton vécu et qui te situe par rapport à la « pureté » de tes expressions de langage : la forme plutôt que le fond.

•Déçue, terriblement, de n’avoir compris que trop tard que je n’étais qu’un pion dans la lutte féministe, réduite à une identité parfois fantasmée parfois attaquée ; mais dans tous les cas, traitée comme un objet qu’on utilise à sa guise
Mais aussi que l’autre en tant que personne singulière, en tant que sujet affectif et politique, n’y avait finalement que peu de place.

• Dégoûtée de la logique de l’entre-soi presque sectaire et des identitarismes à peine dissimulés qui te somment de décliner tes diverses identités pour te définir, pour donner du crédit et de la valeur à tes paroles…or il n’y a rien de subversif ou de radical à enfermer les gens dans des cases pour les prendre en compte. Comme si cette logique rigide, réductrice et aliénante pouvait nous faire croire que rien ne nous échappe chez l’autre (l’autre externe et l’autre en nous)…

•Désemparée de ne pas avoir été perçue et considérée en tant que personne capable de penser, d’argumenter, de ne pas suivre bêtement les injonctions normatives inversées du milieu sans réfléchir.

•Anéantie d’avoir été dépossédée de mon statut de sujet singulier et autonome désirant détruire le patriarcat et la société qui le permet. Pour finalement n’être réduite qu’à une identité, un objet parfois fétichisé.

Je peux maintenant affirmer que la sororité n’existe pas : elle est un mythe à détruire !

Les logiques internes des milieux féministes se parent fièrement de cette image fantasmée de la sororité mais produisent néanmoins tout autant de souffrances et de violences tues : notamment à travers les normes et injonctions inversées, la mise sous silence des rapports de dominations et-ou agressions en interne, le culte de la victimisation qui nous enferme dans un rôle attendu, le tabou des positions critiques qui ne sont plus entendues et pensées mais invalidées par le ressenti de l’agression traumatique, brandit tel un étendard aveugle.

La « sororité » est une chimère tapie, drapée de son linceul orné du spectre du narcissisme et de la culture des petites différences. Elle n’est pas signifiante, c’est une promesse non tenable, une illusion portant en son sein des logiques internes hypocrites et réifiantes.
J’ai décidé il y a longtemps de suivre dans la vie ce principe fondamental pour moi du prendre soin. Que ce soit personnellement, politiquement ou professionnellement. Pour moi ces trois aspects de ma vie ne peuvent être dissociés, ils sont profondément interdépendants.
Je suis donc du côté des personnes en souffrance, des personnes discriminées, oppressées, exclues ou bien laissées pour compte dans ce système patriarcal et capitaliste.
Mais je suis aussi une autonome, une communiste et une révolutionnaire, une féministe qui lutte contre le patriarcat et le système capitaliste. Je lutte donc contre tous les rapports sociaux qui les permettent et les font vivre.

Je m’inscris au sein d’un combat pour que nous nous réapproprions à la fois les moyens de production de notre vie matérielle tout autant que ceux de notre vie sociale, en s’engageant dans la radicale transformation de tous les rapports sociaux de cette société marchande qui nous exploite et nous dépossède du pouvoir sur nos vies.

Mais cela veut dire que la lutte féministe doit passer par une lutte pour l’émancipation de toutes et tous au niveau individuel et collectif. Elle doit s’ancrer dans la construction d’une lutte globale pour la mise en place d’une réelle mise en commun par et pour nous-même.

Nous avons donc beaucoup à créer…
Pour une société plus égalitaire, horizontale et non marchande. Pour un féminisme autonome participant à la lutte pour une société de l’émancipation du « genre humain ».

Une société qui nous appartienne.

 

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