A-Prémices : Mythes et religions

  Mythes et religions sont parmi les premiers systèmes d’interprétation et de rapports au monde des êtres humains, c’est donc en leur sein qu’il faut rechercher les prémices de l’utopie. Pour Roger Michel-Allemand :

« C’est dans l’Univers clos et générateur de la Méditerranée que l’utopie occidentale est née. Selon la représentation antique, la Terre était globalement plane et circulaire, entourée par le fleuve Océanos, si bien que le marin risquait de tomber dans le néant s’il s’aventurait trop loin des côtes, près des bords où l’océan reflue. »1

« L’utopie grecque est toujours limitée dans l’espace à l’image de la société à laquelle elle correspond. Apparue à la fin des « Siècles obscurs » (du XIIe au IXe siècles av. JC), la Cité est en effet l’unité politique typique de la Grèce Antique. » 2

   Dans le monde méditerranéen antique, les techniques de navigation et les connaissances du monde sont limitées. Les îles, la cité, les terres inconnues et le voyage entretiennent donc une relation particulière avec les mythes et représentations des sociétés antiques. Ces représentations, cet espace géographique, cosmogonique et politique nourriront pendant longtemps les formes et contenus des utopies.

   D’autres mythes du monde gréco-latin peuvent nous éclairer sur les origines de l’utopie. En témoigne le mythe de l’âge d’or :

«[…] le mythe de l’âge d’or proprement dit, tributaire de la Grèce archaïque apparaît en littérature chez Hésiode (Les travaux et les Jours, v. 109-126). […] La première humanité est d’or : parangon de justice et de piété, elle jouit d’une durable jeunesse, que n’assombrissent ni les passions, ni les soucis. Gaïa fournit tous ses fruits en abondance, qui alimentent de perpétuels festins. La mort elle même se saisit des êtres avec douceur, puisqu’elle consiste en un paisible endormissement indolore. »3

« A l’opposé, Hésiode situe ses contemporains dans le cinquième Âge, la race de fer, qui est marqué par les maux (la boite de Pandore), la nécessité du travail, et l’alternative entre le mal et le le bien, rendue indispensable par l’extension du crime et de l’avidité. »4

Le mythe antique de l’âge d’or selon le poète antique Ovide :

« L’âge d’or naquit le premier, qui, sans répression, sans lois, pratiquait de lui-même la bonne foi et la vertu. On ignorait les châtiments et la crainte ; des écrits menaçants ne se lisaient point sur le bronze affiché en public ; la foule suppliante ne tremblait pas en présence de son juge ; un redresseur des torts était inutile à sa sécurité. […] »

« Jamais encore des fossés profonds n’entouraient les cités; point de trompettes au long col, point de cors recourbés pour faire résonner le bronze; point de casques, point d’épées; sans avoir besoin de soldats, les nations passaient au sein de la paix une vie de doux loisirs. »

« La terre aussi, libre de redevances, sans être violée par le hoyau, ni blessée par la charrue, donnait tout d’elle-même ; contents des aliments qu’elle produisait sans contrainte, les hommes cueillaient les fruits de l’arbousier, les fraises des montagnes, les cornouilles, les mûres qui pendent aux ronces épineuses et les glands tombés de l’arbre de Jupiter aux larges ramures ».

« Le printemps était éternel et les paisibles zéphyrs caressaient de leurs tièdes haleines les fleurs nées sans semence. Bientôt après, la terre, que nul n’avait labourée, se couvrait de moissons; les champs, sans culture, jaunissaient sous les lourds épis ; alors des fleuves de lait, des fleuves de nectar coulaient çà et là et l’yeuse au vert feuillage distillait le miel blond. »5

   On peut noter que, déjà, chez certains penseurs grecs, mythe et volonté de réforme politique vont de pair. Par exemple chez Platon :

« En revanche dans la République , le philosophe reformule la signification allégorique du mythe [de l’âge d’or] : la race d’or des magistrats est comme destinée, par sa supériorité intellectuelle à diriger les deux autres races de la cité  […] »6

    Un des autres mythes importants, lorsqu’il s’agit de se représenter un monde et une situation meilleure, est celui du Paradis. Mythe que l’on retrouve dans les religions abrahamiques (judaïsme, christianisme, Islam). Dans la Genèse, le jardin d’éden est le lieu d’origine de l’humanité dont a été chassé l’homme pour ses pêchés, c’est un paradis perdu. Mais le paradis, notamment dans le christianisme ou l’islam est aussi le lieu de repos où vont les croyants après leur mort, c’est un endroit sans souffrance, un lieu de béatitude.

Le Jardin d’Eden dans la Bible :

«Puis l’Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l’orient, et il y mit l’homme qu’il avait formé.

L’Éternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l’arbre de la vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.

Un fleuve sortait d’Éden pour arroser le jardin, et de là il se divisait en quatre bras.

L’Éternel Dieu prit l’homme, et le plaça dans le jardin d’Éden pour le cultiver et pour le garder.

L’Éternel Dieu donna cet ordre à l’homme: Tu pourras manger de tous les arbres du jardin; mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras.

L’Éternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise de l’homme, et il l’amena vers l’homme.

[…]

L’homme et sa femme étaient tous deux nus, et ils n’en avaient point honte. » 7

Sources :

Roger-Michel Allemand, L’utopie Ellipses éditions, 2005. Dispo à la Bibli au rayon Sciences Sociales-Philosohpie

Notes :

1 Roger-Michel Allemand, L’utopie Ellipses éditions, 2005, p. 25

2 p.28

3 p.33-34

4 p. 35-36

5 Ovide Les Métamorphoses, 2 ap. JC. Paris, Les Belles lettres, 1985,(Traduction de G. Lafaye,

6 p.36

7 Genèse 2