RELAX’ TAMPAX ! Récit d’un procès qui n’a (presque) pas eu lieu

I-Il était un 8 mars dans l’Ouest…
Le 8 mars 2023 à Brest, se tenait une journée de mobilisation internationale pour le droit des femmes et des minorités de genre, en plein mouvement social contre la réforme des retraites. Elle fut marquée par une action d’autoréduction dans une supérette Carrefour, décidée par l’AG des luttes Brest. A la fin de la manifestation syndicale des dizaines de camarades s’emparèrent de toutes les protections hygiéniques possibles pour les redistribuer gratuitement par la suite. Les flics, échauffés par leurs échecs répétés à tenter d’empêcher les blocages économiques de la veille et plus tôt dans l’après midi, voulurent siffler la fin de la récréation pour les manifestants les plus déterminés et créatifs. Ils chargèrent, dans la pagaille et la confusion, un cortège d’une centaine de personnes faisant route pour la fac, tels des cow-boys du Far West interpellant 5 personnes au hasard et ramassant au passage les protections périodiques qu’ils pouvaient bien trouver.
 
Les 5 interpellé.e.s, tout au long de la garde-a-vue, demeurèrent solidaires les un.e.s avec les autres en disant tous s’appeler Camille Dupont. Il.elle.s refusèrent de donner leurs empreintes ADN et palmaires, de même ils exercèrent leur droit au silence lors des auditions, à l’exception de l’un.e d’entre elles.eux qui n’avait malheureusement alors pas connaissance de ses droits.
Une heure après les interpellations, suite à une intervention à la sono, une bonne partie de la seconde manifestation féministe de la journée s’avéra solidaire des arrêté.e.s. La manifestation composa alors un cortège de plusieurs centaines de personne venant mettre la pression au commissariat aux cris de « Libérez nos camarades ! ». Après un long face à face, le rassemblement sera finalement dispersé dans les gaz. Cette solidarité directe et active obligea tous les policiers en poste au comico à sortir en ligne pour contenir la foule, rendant difficile la rédaction de PV d’interpellations et de contexte, ce qui se révélera des plus intéressants pour la suite de notre histoire…
24 heures plus tard , 4 des camarades, finalement identifié.e.s par les condés, ressortirent de GaV muni.e.s d’une convocation à paraître au tribunal pour vol en réunion avec visages dissimulés et refus de prise d’empreintes ADN. Une des personnes réussit à sortir sous X et échappa donc aux poursuites.
II- Relax’ y’a Ressac…
Déterminé.e.s à combattre la judiciarisation des pratiques politiques du mouvement, les inculpé.e.s et leurs camarades décidèrent de prendre en main collectivement l’affaire. L’essentiel des éléments retenus à charge était des images de vidéos surveillances 4K de l’intérieur du magasin. Lors de l’action les policiers crurent voir des ressemblances entre les vêtements que portaient des camarades remplissant des paniers de serviettes hygiéniques et les sapes qu’auraient eu les inculpés lors de la garde-à-vue, allant jusqu’à relever des tâches prétendument identiques sur un pantalon. Un simple parapluie devant la caméra aurait probablement évité de longues heures de travail absurdes à s’esquinter les yeux sur la pigmentation des fringues. Ce travail n’avait pour but que de produire des des identification plus que contestables ;  les flics persistaient ainsi dans leur production de matière judiciaire qui ne servait qu’à justifier leurs arrestations après coup. Après une lecture assidue et collective de leur dossier pénal, ne se reconnaissant pas sur les vidéos, pas plus qu’ils ne reconnaissent les faits qui leur étaient reprochés, les inculpé.e.s demandent à l’avocat qu’ils avaient saisi de soulever des nullités dans la procédure (on explique plus bas ce que c’est). En effet de nombreuses pièces manquaient dans leur dossier. Suite aux échanges qui ont eu lieu entre les inculpé.e.s et l’avocat, ce dernier approuva les lignes de défense pensées en collectif.
III-Le procès le plus rapide de l’Ouest
Le jour du procès, une soixantaine de camarades présent.e.s dans la salle d’audience étaient venu.e.s apporter leur soutien aux 4 prévenu.e.s à la barre , refusant qu’on transforme leur lutte collective en une affaire judiciaire par définition dépolitisée et individualisée. L’avocat des prévenu.e.s plaida donc qu’en l’absence de :
1) PV de contexte (procès verbal décrivant le cadre général des événements menant à leur interpellation)
2) PV d’interpellation (procès verbal justifiant pourquoi et expliquant comment le policier arrête un suspect) 
3) PV d’audition des agents interpellateurs (interrogatoire par un OPJ des policiers ayant arrêté les inculpés)
Il était impossible de savoir pour quels motifs et à partir de quels indices (descriptions physiques, comportements suspects…) les camarades avaient été arrêté.e.s ! S’appuyant sur une jurisprudence datée de mars 2023 à propos d’une affaire similaire lors du mouvement des gilets jaunes, l’avocat réclama donc la nullité de toute la procédure, les interpellations étant irrecevables.
Le procureur prit ensuite la parole, qualifiant le travail des policiers de « déplorable » et la jurisprudence soulevée par l’avocat de « très solide », battant ainsi en retraite sans même chercher à livrer combat.
La parole ira alors à la partie civile, c’est à dire au gérant du carrefour, qui geignit d’avoir perdu « 1400 balles de sa poche », la somme évidemment gonflée de ce qu’il aurait aimé pouvoir se faire sur le dos des précaires ayant besoin de protections hygiéniques (qui est un bien de première nécessité) et qu’à défaut il espérait soutirer aux maigres finances de nos camarades. 
Après à peine un quart d’heure de délibérés, le juge décide donc en toute logique d’annuler toute la procédure à l’encontre de nos camarades (sous x ou non) qui peuvent donc repartir libres, entouré de leurs proches et bien décidés à repartir pour de nouvelles aventures, le tout dans une explosion de joie collective et communicative.
IV-La morale de l’histoire ?
-La solidarité du mouvement tout au long de la procédure est ce qui a permis la déroute policière une fois au tribunal. La solidarité des interpellés en GaV qui se motivent et se soutiennent les uns les autres à ne rien déclarer, les manifestantes qui viennent mettre le commissariat sous pression pendant des heures, les lectures collectives de dossier, les rendez-vous à plusieurs avec l’avocat… On part tous ensemble lutter dans la rue et on repart tous ensemble du tribunal.
-Rien n’est jamais perdu d’avance, même avec de la vidéosurveillance qui produit des images d’excellente qualité. Ce, d’autant plus si on a des fringues unies pour tout les manifestants et des parapluies pour se protéger des caméras.
On a tout a gagner à prendre ensemble en main son dossier, plutôt que de tout déléguer aux professionnels de la justice.
Notre force ne peut être que collective !
Relax y’a ressac !