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Le curé Meslier, Maurice Dommanget

Maurice Dommanget, Le curé Meslier: Athée, communiste et révolutionnaire sous Louis XIV, Julliard, 1968, 554 pages. Dispo aux rayons Pensées radicales-Critiques sociales : Les Lumières-Républicanisme radical

Présentation

   Ce bouquin est une biographie doublée d’une présentation et d’une analyse des écrits de Jean Meslier (1664-1729?) écrite par Maurice Dommanget. L’auteur nous présente les idées de ce penseur méconnu, ses sources intellectuelles, politiques et sociales. En outre, il pose également la question de sa place et de son influence dans la philosophie en général, et le mouvement révolutionnaire en particulier, à partir du XVIIIe siècle, aussi bien en France qu’à l’international.

   Meslier était curé à Étrépigny dans les Ardennes, un petit bled de campagne qui comptait à son époque entre 100 et 200 habitants. Très tôt incroyant, selon ses propres dires, il n’a jamais cru en ce qu’il professait à ses paroissiens durant sa carrière. Mais non content d’être un curé mécréant, il était aussi très critique de la société de son temps. Ses réflexions, il les a caché toute sa vie potentiellement par peur des persécutions1 et de l’incompréhension.

   Sa sensibilité, doublée à une haine farouche pour le monde dans lequel il vivait, l’ont tout de même poussé à coucher ses conceptions sur le papier, probablement vers la fin de sa vie. Ces écrits, dédiés à ses paroissiens, devaient être rendus publics après sa mort selon ses indications. Ils sont aussi destinés à un plus large public dans le but de dévoiler ce qu’il estimait être la vérité et d’aider à mettre un terme aux « erreurs » et aux « abus » de la société.

1) Pensée de Meslier et contenu du Testament

   Ce « testament » est une véritable attaque en règle contre la religion et les inégalités, son contenu est très radical pour l’époque. En effet, le royaume de France était alors une société féodale, avec un régime de monarchie absolue mise sous le patronage de Dieu, le catholicisme était omniprésent et le clergé quadrillait la société. Dans cet écrit, Meslier affirme un athéisme intégral. Il critique tout autant le christianisme que le concept même de divinité. Pour lui, christicoles et déicoles (c’est à dire adeptes du Christ et adeptes du concept de Dieu) sont à ranger à la même enseigne, leurs visions, compréhensions et explications du monde étant pareillement fausses.

    Partant d’un point de vue matérialiste, il estime que la matière, la nature, le temps et l’espace sont incréables et éternels. Ainsi, selon ses conceptions, la nature et la matière existent par elles mêmes, « par les seules loix naturelles du mouvement » (p.240) . Le monde n’étant que matière, et celle-ci ayant la capacité de se mouvoir par elle-même, le monde peut et doit être expliqué par lui-même. Contrairement à ce qu’affirme les religions révélées qui professent l’existence d’une puissance séparée, créatrice et ordonnatrice du monde.

   Dès lors, M. pense que la religion n’est qu’une création humaine et que celle-ci n’a qu’une origine sociale. Pour lui, sa genèse est à rechercher dans la légitimation du pouvoir et de l’exploitation, elle est créée et utilisée pour se faire craindre et respecter. Vision un tant soi peu réductrice puisque il n’envisage pas d’autres raisons qui justifieraient de l’existence des religions comme le besoin de connaissances et de compréhension du monde physique/naturel et humain par exemple.

   Cette origine très politique des croyances montre que sa critique de la religion se nourrit de sa haine de l’organisation de la société. On le voit très clairement lorsqu’il s’attache à dénoncer sévèrement les postulats et les effets de la morale chrétienne. Par rapport aux présupposés moraux du christianisme il estime premièrement que la répression des pensées, des désirs et de la sexualités, perçus comme des vices, est une erreur. Deuxièmement, il pense que la vertu dans la souffrance, principe essentiel de la religion chrétienne et catholique, est contraire à la nature. Pour le curé Meslier, le pardon des injures et des exactions permet le maintien des sociétés inégalitaires. Aimer et pardonner à ses ennemis ne permet que la conservation du monde tel qu’il fonctionne. Avoir mis en lumière cet aspect de la morale chrétienne et en faire son erreur principale fait de lui un véritable précurseur dans la critique radicale de la religion selon Dommanget.

   Dès lors, puisque religion et oppression sociale vont de concert, Meslier estime qu’il faut renverser cet état de fait pour établir un nouveau système. Considérant que les hommes sont égaux par nature il s’oppose à la volonté de domination, origine selon lui de « tous les maux qui troublent la société humaine et qui rendent les hommes malheureux dans la vie » (p.276).

Dès lors, il estime que la tyrannie politique et matérielle est liée à la tyrannie spirituelle, que les plus rusés profitent des plus faibles et des moins intelligents. De même, il critique l’inégalité des biens qu’il considère liée à l’inégalité des conditions. Sa critique reste très « morale », il définit les riches comme étant souvent les plus méchants et les plus indignes. Quant à l’inégalité sociale, elle participe à la création de vices et de méchanceté chez les humains.

    Bien que sa critique soit très morale, Dommanget estime aussi que J.M. a une certaine vision des intérêts sociaux antagonistes. De fait, le curé oppose les grands et les riches contre ceux qu’il appelle les « pauvres peuples ». Il base aussi la séparation entre les êtres humains sur la possession et la richesse en même temps que sur le commandement et la sujétion. Ainsi, cette grille de lecture lui permet de considérer que les puissants tirent leur force et leur richesse du travail et du service des peuples. Idem, ce présupposé l’amène à penser que les prêtres, mêmes pauvres, sont des « abuseurs de peuples » au service des grands puisque, comme dit plus haut, ils prêchent une morale qui va l’encontre des intérêts « populaires ». Le prêtre a donc une perception du rôle d’agent et de relais du pouvoir que peuvent jouer différents acteurs sociaux. Il étend d’ailleurs cette critique aux « gens de justice ou d’impôts ».

    Pour mettre fin à cet état des choses, Meslier préconise l’union contre les grands dans tout le royaume. Ses solutions sont multiples même si il ne développe pas leurs mise en application pratique . Par exemple, il souhaite la diffusion des idéaux basés sur l’idée de raison pour aider à une prise de conscience. Il préconise aussi le refus du travail et d’obéissance vis à vis des grands, des religieux et de leurs agents. De même, il ne semble pas refuser les solutions violentes, son écrit étant lui même teinté d’une certaine violence verbale. Dès lors, il multiplie les appels à la violence et notamment au tyrannicide. La monarchie absolue sous laquelle il a vécu étant caractéristique d’une société inégalitaire avec une forte concentration des pouvoirs dans la personne du roi, on mesure mieux alors la portée que pouvait avoir cette pratique tant au niveau « symbolique » que pratique.

   Mais par quoi remplacer la société que M. veut mettre à bas? Que préconise t-il à la place? Très critique de la propriété individuelle, il conseille aux êtres humains de :

« tout mettre en commun dans chaque paroisse pour jouir tous en commun des biens de la terre et des fruits de [leurs] travaux. »(p.319)

   Partisan d’un égalitarisme radical, il souhaite l’égalité dans la répartition des subsistances, des logements et des vêtements, une éducation commune pour les enfants qui doivent toutes et tous être pris en charge moralement et matériellement par la communauté. En outre, dans son projet, tout le monde travaille selon ses aptitudes et ses besoins avec tout de même une certaine hiérarchie dans l’organisation.

   Par ailleurs, il ne se prononce pas sur les difficultés d’un tel mode de production ou sur la question de l’esclavage ou de l’oppression des femmes. Nous savons juste qu’il se déclare pour le maintien de la famille privée. Famille qu’il conditionne et associe à la liberté d’union et de séparation entre les personnes. Vaste programme donc.

2) Intérêts et « faiblesses » du bouquin

   Nombreux sont les mérites de ce bouquin bien fourni. Tout d’abord, on ne peut qu’apprécier le fait de faire connaître ce penseur assez méconnu de l’histoire politique, philosophique et sociale qu’était Jean Meslier. Par ailleurs, et cela bien que l’ouvrage soit déjà un peu daté, l’auteur nous livre ici un certain travail d’érudition. Tant sur les travaux ayant eu trait à J.M, sur les courants de pensée philosophiques du temps, ses sources politiques et intellectuelles que sur son influence et le « parcours » de son Testament, les informations et sources rapportées ne manquent pas.

   À travers ce travail, l’auteur montre que, tant sur le plan philosophique qu’au niveau de la critique sociale qui commence à se développer au XVIIIe siècle, l’influence de M. est restée limitée et n’a pas forcément été déterminante.. En effet, selon Dommanget, la pensée du curé fut certes connue et diffusée par Voltaire mais de manière abrégée et largement remaniée2. De même, si pour l’auteur, il est probable que, philosophiquement, elle influença directement des matérialistes comme d’Holbach et indirectement le marquis de Sade , sa critique sociale resta largement méconnue, notamment lors de la révolution française. Ce n’est qu’après l’édition complète du Testament en 1864 par Rudolf Charles que le prêtre commença à être reconnu pour ses idées sociales par exemple dans les milieux socialistes de la fin du XIXe. Puis, son pic de célébrité est atteint en URSS à partir des années 50 où l’historiographie soviétique exagéra largement le rôle et l’influence de ses conceptions, étant placé parfois sur le même plan qu’un Descartes par exemple…Là est tout le paradoxe de Meslier, c’est un précurseur mais un précurseur isolé et relativement peu connu.

   Une autre qualité du bouquin est de nous montrer l’aspect novateur de la pensée de J.M. En effet, contrairement aux autres réformateurs sociaux de son temps comme Mably ou Morelly, le curé pousse très loin sa critique de la société. Certes son influence fut somme toute faible. Mais, son matérialisme athée, son projet radical de mise en commun de ce qu’on pourrait appeler les moyens de production, le placent tout de même parmi les « ancêtres » des pensées socialistes, communistes et anarchistes qui fleurissent au XIXe et Xxe siècles suivants.

   Malgré tout, et c’est un des mérites du bouquin de le rappeler, bien que M. soit isolé, que ses sources intellectuelles soient «limitées» par rapport à d’autres penseurs de son temps, son œuvre s’inscrit également dans un mouvement «global» : la pensée critique dites des Lumières alors en plein essor entre le XVIIe et le XVIIIe siècle en Europe. . Cette philosophie universaliste, basant ses idéaux et ses systèmes d’interprétation du monde notamment sur la raison, sert alors de matrice à nombre de critiques politiques, sociales et scientifiques vis à vis de la société d’Ancien-Régime.

   Pour ce qui est des « manquements » du bouquin maintenant. Le principal reste la grille analytique et politique de l’auteur Maurice Dommanget, auteur de tradition syndicaliste et marxiste. Tout d’abord, on voit que cette grille de lecture peut produire parfois certains anachronismes notamment quand l’auteur qualifie la pensée du curé de « socialisme ». On voit également cela dans le titre même Le curé Meslier : Athée communiste et révolutionnaire sous Louis XIV quelque peu « exagéré ». De même, dans la partie sur les idées politiques et sociales du prêtre athée, on a des fois l’impression que l’auteur analyse ces écrits via ses propres conceptions marxistes pour ensuite voir si J.M. coche les cases de ces présupposés idéologiques en tant que plus ou moins précurseur des dites idéologies.

   La question se pose. Est-ce que cette grille de lecture permet une analyse pertinente de l’œuvre en question? Oui et non. Certes, elle permet à l’auteur de se pencher sur le côté subversif, radical , social et disons « proto-communiste » et/ou « proto-anarchiste » de l’œuvre de Meslier mais elle induit aussi certaines limites. La principale étant qu’utiliser sa vision du monde pour idéologiser une pensée, alors que celle-ci préexiste à ces cadres d’interprétation, cela n’a pas forcément de sens. Ce genre de processus peut parfois flouter la compréhension ou le sens d’une pensée. Par exemple, la pensée du curé, ne peut pas être qualifiée de socialisme utopique ou « scientifique » comme il est parfois fait puisque, puisque elle a préexisté à ces concepts théorisés au XIXe siècle. Concepts par ailleurs déjà potentiellement « foireux » et éminemment idéologiques lorsqu’ils ont été théorisés pour interpréter le réel de leur temps…

   Après cet « écueil » reste toute de même à relativiser. Comme dit plus haut, le taf de l’auteur a l’air assez sérieux et complet. De plus, il n’est pas tout le temps là dedans. Parfois, il se contredit et pose le fait que certaines catégories de pensée socialistes ne sont pas conceptualisées par Meslier.

   Pour revenir aux qualités du bouquin, on peut évoquer rapidement le cas personnel du prêtre renégat. Son histoire, quoique étrange voire limite tragique, est tout de même assez marrante. En effet, un curé athée, on s’y attend pas trop… Potentiellement dégoûté par sa condition et cette situation, tout autant que par la société qui l’entoure, il s’est bien vengé en crachant sur elles du fond de sa tombe. On imagine l’embarras de ces collègues curés à qui il a laissé les lettres précisant l’existence de ses écrits et son reniement de la foi chrétienne. Un reniement de longue date si ce n’est d’une vie… Un prêtre renégat qui prêche durant toute sa vie et prodigue toute une série d’actes sacrés tels que baptêmes, messes et autres sacrements cela fait quand même un peu tâche!

    Cependant, le cheminement politique et intellectuel de Meslier est tout de même assez compréhensible. Dommanget le montre habilement lorsqu’il analyse les conditions sociales qui ont pu influencé la pensée du prêtre. Déjà, celui-ci avait beau être curé, il l’était probablement davantage par convention sociale/obligation familiale que par un primo-sentiment de foi et de dévotion. De même, M. évoluait en milieu rural et, à défaut d’être aussi pauvre que les paysans qui l’entouraient, il était de modeste condition. Il habitait un pays souvent en proie aux rapines et aux destructions durant les guerres du roi soleil.

   De plus, il paraissait doué d’une sensibilité assez haute. On sait par exemple son dégoût et son mépris pour la violence envers les animaux dont il estimait qu’ils restaient, bien que différents des humains, des êtres sensibles3. Dès lors, pas si étonnant que J.M souhaitait en finir avec sa société féodale et absolutiste horrible, il était aux premières loges pour en constater toute la violence et la « médiocrité »…

   Il n’empêche que sa critique reste sans concessions et d’une radicalité impressionnante pour l’époque. L’existence et l’œuvre de ce curé apostat montrent que le combat pour l’émancipation ne date pas d’hier, que nos luttes, nos idées et nos valeurs ne sortent pas de nulle part. Que hier, comme aujourd’hui, il s’agit de démystifier le fonctionnement du monde, de réfléchir et d’agir pour tendre à être réellement maîtres de nos vies.

Notes

1 En 1757, un édit royal était encore établi pour condamner à mort tous les auteurs, imprimeurs et colporteurs de livres tendant à attaquer la religion.

2 Voltaire a eu connaissance des écrits de Meslier qui circulaient alors clandestinement entre quelques mains. Il en a édité une version abrégée et largement remaniée. En effet, Voltaire ayant jugé l’ouvrage trop radical dans ses conceptions sociales et trop athée a donné une teinte déiste aux écrits de Meslier, mettant l’accent surtout sur les aspects anticléricales du Testament.

3 A cette époque les animaux sont envisagés surtout comme des objets. Pour Descartes par exemple les animaux n’ont ni âme ni raison, ce sont des sortes de machines. Les choses n’ont pas réellement changer dans la perception du vivant, actuellement perçu surtout comme une marchandise.

RELAX’ TAMPAX ! Récit d’un procès qui n’a (presque) pas eu lieu

I-Il était un 8 mars dans l’Ouest…
Le 8 mars 2023 à Brest, se tenait une journée de mobilisation internationale pour le droit des femmes et des minorités de genre, en plein mouvement social contre la réforme des retraites. Elle fut marquée par une action d’autoréduction dans une supérette Carrefour, décidée par l’AG des luttes Brest. A la fin de la manifestation syndicale des dizaines de camarades s’emparèrent de toutes les protections hygiéniques possibles pour les redistribuer gratuitement par la suite. Les flics, échauffés par leurs échecs répétés à tenter d’empêcher les blocages économiques de la veille et plus tôt dans l’après midi, voulurent siffler la fin de la récréation pour les manifestants les plus déterminés et créatifs. Ils chargèrent, dans la pagaille et la confusion, un cortège d’une centaine de personnes faisant route pour la fac, tels des cow-boys du Far West interpellant 5 personnes au hasard et ramassant au passage les protections périodiques qu’ils pouvaient bien trouver.
 
Les 5 interpellé.e.s, tout au long de la garde-a-vue, demeurèrent solidaires les un.e.s avec les autres en disant tous s’appeler Camille Dupont. Il.elle.s refusèrent de donner leurs empreintes ADN et palmaires, de même ils exercèrent leur droit au silence lors des auditions, à l’exception de l’un.e d’entre elles.eux qui n’avait malheureusement alors pas connaissance de ses droits.
Une heure après les interpellations, suite à une intervention à la sono, une bonne partie de la seconde manifestation féministe de la journée s’avéra solidaire des arrêté.e.s. La manifestation composa alors un cortège de plusieurs centaines de personne venant mettre la pression au commissariat aux cris de « Libérez nos camarades ! ». Après un long face à face, le rassemblement sera finalement dispersé dans les gaz. Cette solidarité directe et active obligea tous les policiers en poste au comico à sortir en ligne pour contenir la foule, rendant difficile la rédaction de PV d’interpellations et de contexte, ce qui se révélera des plus intéressants pour la suite de notre histoire…
24 heures plus tard , 4 des camarades, finalement identifié.e.s par les condés, ressortirent de GaV muni.e.s d’une convocation à paraître au tribunal pour vol en réunion avec visages dissimulés et refus de prise d’empreintes ADN. Une des personnes réussit à sortir sous X et échappa donc aux poursuites.
II- Relax’ y’a Ressac…
Déterminé.e.s à combattre la judiciarisation des pratiques politiques du mouvement, les inculpé.e.s et leurs camarades décidèrent de prendre en main collectivement l’affaire. L’essentiel des éléments retenus à charge était des images de vidéos surveillances 4K de l’intérieur du magasin. Lors de l’action les policiers crurent voir des ressemblances entre les vêtements que portaient des camarades remplissant des paniers de serviettes hygiéniques et les sapes qu’auraient eu les inculpés lors de la garde-à-vue, allant jusqu’à relever des tâches prétendument identiques sur un pantalon. Un simple parapluie devant la caméra aurait probablement évité de longues heures de travail absurdes à s’esquinter les yeux sur la pigmentation des fringues. Ce travail n’avait pour but que de produire des des identification plus que contestables ;  les flics persistaient ainsi dans leur production de matière judiciaire qui ne servait qu’à justifier leurs arrestations après coup. Après une lecture assidue et collective de leur dossier pénal, ne se reconnaissant pas sur les vidéos, pas plus qu’ils ne reconnaissent les faits qui leur étaient reprochés, les inculpé.e.s demandent à l’avocat qu’ils avaient saisi de soulever des nullités dans la procédure (on explique plus bas ce que c’est). En effet de nombreuses pièces manquaient dans leur dossier. Suite aux échanges qui ont eu lieu entre les inculpé.e.s et l’avocat, ce dernier approuva les lignes de défense pensées en collectif.
III-Le procès le plus rapide de l’Ouest
Le jour du procès, une soixantaine de camarades présent.e.s dans la salle d’audience étaient venu.e.s apporter leur soutien aux 4 prévenu.e.s à la barre , refusant qu’on transforme leur lutte collective en une affaire judiciaire par définition dépolitisée et individualisée. L’avocat des prévenu.e.s plaida donc qu’en l’absence de :
1) PV de contexte (procès verbal décrivant le cadre général des événements menant à leur interpellation)
2) PV d’interpellation (procès verbal justifiant pourquoi et expliquant comment le policier arrête un suspect) 
3) PV d’audition des agents interpellateurs (interrogatoire par un OPJ des policiers ayant arrêté les inculpés)
Il était impossible de savoir pour quels motifs et à partir de quels indices (descriptions physiques, comportements suspects…) les camarades avaient été arrêté.e.s ! S’appuyant sur une jurisprudence datée de mars 2023 à propos d’une affaire similaire lors du mouvement des gilets jaunes, l’avocat réclama donc la nullité de toute la procédure, les interpellations étant irrecevables.
Le procureur prit ensuite la parole, qualifiant le travail des policiers de « déplorable » et la jurisprudence soulevée par l’avocat de « très solide », battant ainsi en retraite sans même chercher à livrer combat.
La parole ira alors à la partie civile, c’est à dire au gérant du carrefour, qui geignit d’avoir perdu « 1400 balles de sa poche », la somme évidemment gonflée de ce qu’il aurait aimé pouvoir se faire sur le dos des précaires ayant besoin de protections hygiéniques (qui est un bien de première nécessité) et qu’à défaut il espérait soutirer aux maigres finances de nos camarades. 
Après à peine un quart d’heure de délibérés, le juge décide donc en toute logique d’annuler toute la procédure à l’encontre de nos camarades (sous x ou non) qui peuvent donc repartir libres, entouré de leurs proches et bien décidés à repartir pour de nouvelles aventures, le tout dans une explosion de joie collective et communicative.
IV-La morale de l’histoire ?
-La solidarité du mouvement tout au long de la procédure est ce qui a permis la déroute policière une fois au tribunal. La solidarité des interpellés en GaV qui se motivent et se soutiennent les uns les autres à ne rien déclarer, les manifestantes qui viennent mettre le commissariat sous pression pendant des heures, les lectures collectives de dossier, les rendez-vous à plusieurs avec l’avocat… On part tous ensemble lutter dans la rue et on repart tous ensemble du tribunal.
-Rien n’est jamais perdu d’avance, même avec de la vidéosurveillance qui produit des images d’excellente qualité. Ce, d’autant plus si on a des fringues unies pour tout les manifestants et des parapluies pour se protéger des caméras.
On a tout a gagner à prendre ensemble en main son dossier, plutôt que de tout déléguer aux professionnels de la justice.
Notre force ne peut être que collective !
Relax y’a ressac !

Menstruations, répression, rébellion!

Tou.te.s ensembles pour soutenir les quatre du 8 mars.
Le 8 mars dernier, journée internationale des droit des femmes, se tenait comme chaque année à cette date des manifestations pour les droits des femmes et des minorités de genre. Cette année cependant celles-ci furent marquées par leur inscriptions dans la séquence du mouvement contre la réforme des retraites qui battait son plein depuis déjà près de deux mois.                                  
C’est pourquoi, à Brest le 8 mars 2022, en plus de la manifestation du soir à l’initiative de différents collectifs féministes, un autre rendez-vous avait été fixé dans l’après-midi à l’appel de certains syndicats.         
        
Dans ce contexte de lutte contre le recul d’un droit social et de l’appauvrissement généralisé de la population lié à une inflation record, l’AG des luttes de Brest avait décidé de mener lors de cette journée une action contre la précarité menstruelle. A la suite de la manifestation syndicale, un cortège de plus d’une centaine de personnes se dirigea vers un supermarché du centre-ville. Plusieurs dizaines de manifestants entrèrent afin de récupérer toutes les protections menstruelles disponibles et les  redistribuer plus tard gratuitement. L’action se déroula sans  incident, mais lors du retour vers la faculté de Segalen la police intervint et 5 personnes, prises au hasard dans la charge furent arrêtées puis placées en garde-à-vue.                 
Solidaires en garde-à vue, tou.te.s décidèrent dans un premier temps de déclarer un nom collectif – Camille Dupont – mais également de faire usage de  leur droit au silence. Bien qu’elle parvienne finalement à identifier quatre d’entre eux, la police n’aura  en tout et pour tout à la fin de la procédure que trois lignes de déclarations à se mettre sous la dent pour essayer de confondre les personnes interpellées. Malgré la faiblesse des preuves dont disposaient les forces de l’ordre, les cinq à leur sortie furent convoquées au tribunal : quatre pour des faits de vols en réunion en étant  masquées et refus de prises d’ADN et d’empreintes, une pour recel. La police n’ayant pas réussi à identifier une des personnes tenant le nom collectif, cette dernière échappera à la justice.  Reste quatre camarades convoqués le 25 septembre à 13h30 au Tribunal de Brest.         
A cette action nous étions des dizaines, rassemblés avec la volonté de dénoncer le coût des protections  périodiques – reconnues officiellement depuis 2016 comme bien de première nécessité – et d’agir directement sur nos conditions de vies. Pourtant, le 25 septembre, seul.e.s 4 inculpé.e.s comparaîtront devant la Justice afin de répondre de cette action. Le tribunal essaiera immanquablement de faire passer cet acte pour un simple vol refusant par là toute portée politique à ce geste, mais c’est bien à une des pratiques du mouvement social qu’il s’attaquera en essayant de condamner nos camarades, tout comme elle le fait en poursuivant en ce moment même des centaines de militant.e.s syndicaux de l’énergie pour leurs actions dans le mouvement social contre les retraites.
Depuis une dizaine d’année les autoréductions, reprises de marchandises, gratuitisation de la propriété privé réapparaissent régulièrement comme moyen d’action dans les luttes, et à n’en pas douter dans une situation où prolétaires, travailleurs.ses, étudiant.e.s et galérien.ne.s sont toujours plus pauvres, cela n’est pas prêt de cesser.         
Alors venons soutenir les camarades le 25, venons montrer à  la justice qu’iels ne sont pas seul.e.s, que nous sommes prêt à défendre nos pratiques de luttes et que d’autoréduc en manifestation, de blocage en piquet de grève, nous obtiendrons cette vie moins chère sans attendre leurs miettes.
Ressac

Leurs guerres, Nos morts! Communiqué par rapport au conflit israélo-paslestinien

 

Communiqué de la Coordination Autonome de Brest au sujet du conflit israélo-palestinien et de la situation en Israël-Palestine écrit suite à l’offensive menée par le Hamas le 7 octobre 2023

 

La situation actuelle en Palestine-Israël nous dégoûte profondément. Nous sommes dégoûtés par la colonisation de plus en plus agressive du régime israélien qui parque, exploite, tue et humilie d’autres êtres humains.

– par le nationalisme israélien actuellement au pouvoir, qui justifie et fait la promotion de la politique terroriste, raciste et belliqueuse actuellement menée.

– par ses soutiens ici et partout dans le monde qui justifient cette action car cela correspond à leurs visions nationalistes, à leur grille de lecture identitaire ou à leurs projets impérialistes et économiques.

– par l’action militaire et terroriste du régime israélien, mise en place suite à l’offensive elle aussi a dimension terroriste menée par le Hamas. Cette action touche principalement des populations civiles qu’il a parqué et déshumanisé au fur et à mesure de sa politique d’expansion. Des populations qu’il n’hésite pas à massacrer et affamer.

– par les souffrances et le désespoir des populations de Palestine qui sont le fruit de cette politique réactionnaire et dégueulasse.

Mais nous sommes aussi dégoûtés par la politique du Hamas et autres islamistes, par leur projet politique d’établissement d’une société islamique en Palestine-Israël tout aussi réactionnaire que le suprémacisme religieux du gouvernement israélien actuel.

– par leur soutiens comme l’état iranien, bons qu’à réprimer celles et ceux qui souhaitent se libérer de la tutelle religieuse et patriarcale qu’on leur impose.

– par le fait qu’ils utilisent et se nourrissent des souffrances et du désespoir à Gaza et ailleurs. Et cela bien que cette souffrance et ce désespoir des populations nous le comprenions. Du moins, nous essayons de le comprendre à défaut de le ressentir dans notre quotidien…

De même, bien que nous comprenions la volonté de combattre le racisme et le colonialisme par la violence ou d’autres moyens, nous sommes écœurés par la stratégie de guerre nationaliste et religieuse des islamistes en Palestine qui vise à étendre et intensifier le conflit. Ce genre d’objectif réactionnaire ne sert jamais les intérêts des populations mais favorisent ceux des différents pouvoirs en place. Cette stratégie vise d’ailleurs probablement à ce que les répercussions sur la population, la désespèrent encore plus et la poussent dans leurs bras.

Nous sommes écœurés par leur fanatisme et leur idéologie morbide qui se nourrit du désespoir ambiant. Une idéologie qui n’envisage pas une libération et une émancipation effective des palestiniens mais un combat sacré dont la mort peut être l’ultime et glorieuse récompense…

Enfin, nous sommes écœurés par leurs pratiques de terreur à l’égard des civils. Jamais massacrer des gens qui font la teuf, exhiber et cracher sur des corps de femmes nus ne seront considérés par nous comme des actes de résistance.

Dans cette situation critique, nous souhaitons toujours l’émancipation des dépossédés, de Palestine, d’Israël et du monde entier. Nous affirmons plus que jamais la nécessité de luttes qui visent à détruire tous les états et les systèmes d’exploitation dont ils garantissent le fonctionnement. Ce qui réglera définitivement la question de la domination en Palestine, comme dans le reste du monde, c’est une révolution sociale qui vise à saper tous les fondements sur lesquels prospèrent les divers nationalismes, identitarismes et fanatismes belliqueux: une révolution communiste et antiautoritaire, qui vise à l’union entre les exploités de tous les pays.

On nous répondra que cette volonté n’est qu’un mot creux, d’autant plus dans le contexte actuel. Nous voyons déjà les partisans des arguments teintés de réalisme qui se parent de géopolitique, de rhétoriques anti-impérialistes ou bien simplement du contexte ancien et actuel de haine et de désespoir pour disqualifier cette position.

Nous leurs répondrons qu’à défaut d’être « réaliste » à court terme, la révolution est la seule option envisageable et désirable pour sortir de cette impasse. A long terme elle est donc la seule option viable et effectivement « réaliste ».

Et d’ailleurs de quel réalisme parle t-on ? Si le Hamas n’est pas suivi par les diverses bourgeoisies des états qui le soutiennent, il a peu de chances de gagner sur le plan militaire. Et quand bien même, si un embrasement et une extension du conflit se produisaient et aboutissaient à la disparition de l’état d’Israël, quel en serait le prix à payer ? Des milliers d’exploités et d’êtres humains massacrés de part et d’autre des deux « camps » ? Le gouvernement israélien semble en effet d’ores et déjà prêt à massacrer la population de Gaza. L’état de siège est déclaré, la population est déjà pilonnée…

Et au delà du potentiel prix à payer, quel en serait de toute manière l’intérêt ? Pour nous, les guerres des différents états et gouvernements ne sont jamais faites dans l’intérêt de leur population, à fortiori des exploités. Elles profitent toujours in fine à celles et ceux qui sont au pouvoir, et cela peu importe qui gagne à la fin…

Non, la seule disparition souhaitable de l’état d’Israël, c’est celle qui aboutirait par la volonté de détruire tous les états du monde et d’en finir avec tous les pouvoirs qui ne voient en nous que de la chair à canon. Et cette lutte, elle ne se fera pas contre les israéliens mais avec et pour les exploités israéliens comme ceux du monde entier.

On pourra aussi nous rétorquer qu’il est bien facile de porter ces positions de là où on est, nous qui ne vivons pas dans notre chair et notre esprit toute cette violence, toute cette déshumanisation. Et bien c’est peut-être justement quand on est dans ce genre de contexte qu’il faut parler. Quand on a une marge de manœuvre qui rend possible une prise de recul et une réflexion sur ce que l’on estime juste et désirable.

Quant à celles et ceux qui gardent des positions allant dans notre sens, alors qu’ils et elles sont touchés directement dans leur vie quotidienne par la politique colonisatrice du régime israélien, la réaction islamiste et la guerre, nous leur témoignons, pour ce que ça vaut, tout notre respect et notre admiration.

Car il n’y a pas si longtemps, des luttes qui allaient en ce sens existaient encore dans cette région du monde et laissaient entrevoir d’autres possibilités.

En 2023, toute une partie de la société israélienne manifestait encore un franc désaccord avec Netanyahou sur la réforme de la justice, les critiques émises étaient alors de plus en plus vives. En septembre dernier, on voyait même des lycéens en Israël qui refusaient de faire leur service militaire dans une armée d’occupation et condamnaient la politique d’extrême droite de Netanyahou.

En 2019, des palestiniens s’organisaient et descendaient dans la rue à Gaza pour protester contre la détérioration de leurs conditions de vie, manifs d’ailleurs réprimées par les forces du Hamas.

De même, fut un temps ou l’idée de libération de la Palestine, bien que ne faisant pas l’économie de la lutte armée, était portée par certains mouvements qui promouvaient un état unique laïc où chaque citoyen aurait les mêmes droits, peu importe sa religion et son origine. Bien qu’étatiste et social-démocrate, cette vision était pour nous porteuse d’un espoir plus grand que les perspectives d’une lutte à mort…

Encore une fois ce sont leurs guerres, nos morts !

Contre le colonialisme israélien et tous les colonialismes ! Contre la guerre israélo-palestinienne et toutes les guerres ! Contre tous les états et tous les impérialismes !

Soutien à toutes les personnes qui vont encore subir une guerre qu’elles n’ont pas choisi, qu’elles soient de Gaza, de Cisjordanie ou d’Israël !

Soutien aux opposants politiques israéliens et à toutes celles et ceux qui ne tomberont pas dans le piège de l’union nationale de part et d’autres !

Force à tous les combattants et combattantes pour l’émancipation sociale !

Coordination Autonome de Brest

La colère de Ludd, Julius Van Daal

La colère de Ludd: La lutte des classes en Angleterre à l’aube de la révolution industrielle

De 1811 à 1817, en Angleterre, dans le West Riding, le Lancashire, le Leicestershire et le Derbyshire la colère de Ludd s’abat sur les fabriques . Le pays, est alors en proie à de profondes mutations sociales et économiques induites par l’établissement du capitalisme industriel. Dans ce contexte, ouvriers tisserants, fileurs et tondeurs de draps décident de s’organiser contre les patrons et leurs nouvelles machines qui visent à augmenter productivité et profit.

Ces machines « infernales » sont alors perçues par ces ouvriers-artisans comme responsables de leurs nouveaux maux et de l’aggravation des anciens: paupérisation, perte de la maîtrise de son temps, fin de la « belle ouvrage » et in fine d’un mode de vie qu’on perçoit comme plus désirable… Pour répondre à cette situation, ces ouvriers décident de s’attaquer directement à ces nouveaux outils. Encore en partie rassemblés en corporations, ou au moins héritiers de leurs coutumes, parfois organisés en sociétés secrètes, ils et elles organisent des expéditions punitives dans les fabriques converties au machinisme. Lors de ces attaques, les ateliers mécaniques sont méticuleusement démolis. Parfois on s’en prend aussi aux bâtiments, on en éclate les vitres voire on finit par y foutre le feu.

Mais les luddites, comme on les appelle du nom de leur roi-général fictif Ned Ludd, n’oublient pas non plus les possesseurs des machines et leurs défenseurs. Ainsi, fabricants et magistrats qui organisent la répression, sont souvent menacés par les rebelles. Si ils continuent à faire de la vie des dépossédés un enfer, ils seront chatier comme il se doit. Menaces parfois d’ailleurs mises à éxécution au fur et à mesure que la lutte se radicalise. En effet, sous la pression de divers facteurs et événements, les luddites vont passer du simple fracassage de matériel à des pratiques de guérilla: brigandage, extorsions, demandes de rançons et même assassinats. La répression, elle, comme à l’habitude des états qui flippent et perdent pied, est assez dure : on militarise des zones considérées comme des foyers de la rébellion, on utilise des provocateurs… Certaines personnes sont condamnées à des peines assez lourdes comme la prison, la déportation dans les zones les plus reculés de l’Empire britannique ou sont tout bonnement exécutés.

En parallèle du récit de cette lutte, Julius Van Daal s’attache aussi à nous faire un rapide état des lieux des pensées, mouvements et agitateurs plus ou moins « radicaux » dans la Grande-Bretagne de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. Ainsi, l’auteur évoque ces bourgeois radicaux qui voulaient en finir avec ce qu’ils nommaient la tyrannie, un temps influencés par la pensée des Lumières et l’expérience de la révolution française, comme John Thelwall ou Thomas Paine(1). Cependant, leurs pensées sont progressivement de moins en moins influentes au sein de la bourgeoisie montante du fait notamment de la guerre contre la France révolutionnaire puis impériale. De plus, les idéaux rationalistes et libéraux (surtout dans le domaine économique), eux aussi issus en partie des Lumières et du développement du capitalisme, sont de plus en plus partagés au sein des classes bourgeoises notamment de la bourgeoisie d’affaires. Malgré cela, le contenu radical, égalitaire et humaniste de ces pensées continuera tout de même d’influer en parallèle et en sous-main dans certains pans des basses-classes de la société britanique.
Puis, au début du XIXe siècle, ce sont certains auteurs romantiques qui prennent le relais de la critique de la domination et du nouveau monde capitaliste en train de s’établir. Des poètes comme Byron ou Shelley(2)  ne cachent pas le dégoût que leur inspire cette société hiérarchisée et le sort des exploités à qui ne profitent nullement les mutations sociales en cours. Certains de leurs écrits ont d’ailleurs inspiré durablement une partie du mouvement ouvrier britanique dans sa critique de la société bourgeoise et marchande.

Toujours est-il que malgré la présence, certes faible, de critiques plus ou moins radicales de la situation sociale en Grande-Bretagne et d’une opposition d’une partie des ouvriers contre le système des fabriques, la lutte des luddites s’éteind progressivement. Par conséquent, aucune révolution n’a lieu dans le royaume. Le bouquin s’attache à montrer les raisons de cet « échec ». Celles-ci sont d’abord à rechercher dans les dynamiques sociales, les dynamiques de classe, induites par le développement capitaliste qui commence tout juste à rentrer dans sa forme dite industrielle. Durant cette période, on est au début de la constitution d’un prolétariat industriel, dont la conscience de sa situation, sa conscience de classe, en est encore à ses balbutiements. Les ouvriers-tisserands, en phase de devenir des ouvriers de l’industrie, sont minoritaires parmis les exploités de cette époque et se perçoivent plus comme des ouvriers-artisans déchus. Dès lors, leurs conditions de dépossession, encore non massivement partagées, font qu’ils peinent à produire une vision plus universelle et cohérente de ce que doit être la lutte pour l’émancipation au regard des conditions d’exploitation nouvelles. Par exemple, leur discours d’émancipation, quand il prend forme et se fait universel, est donc toujours « républicain » et se concentre sur la dénonciation de la pauvreté et non pas sur l’expropriation de la bourgeoisie et la mise en commun des moyens de production. Ces idées, elles, s’élaborent plus tard, au fur et à mesure du développement capitaliste et des mutations sociales qu’il amorce.
De plus, puisque la lutte des luddites et leurs pratiques de plus en plus illégalistes n’ont débouché sur aucune insurrection populaire généralisée, les modalités d’organisation de la conflictualité ouvriers/patrons s’adaptent. Ainsi, dans les futurs trades-unions (un des ancêtres des syndicats modernes), nombre d’anciens luddites s’organiseront pour ce qu’ils estiment être la défense de leur intérêt.

Le bouquin est intéressant et plutôt cool pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il nous plonge dans la situation politico-sociale de la Grande-Bretagne de cette époque. On apprend plein de trucs notamment sur le mode de vie et le fonctionnement d’une partie des corporations ouvrières . Parfois, on sent tout de même que ça fantasme peut-être un peu sur la liberté, la maîtrise de leur temps et de leur vie qu’avaient ces ouvriers avant l’introduction du machinisme à grande échelle. Il n’en reste pas moins que ces « descriptions » permettent de relativiser certains discours bourgeois-progressistes qui présentent le capitalisme essentiellement comme un progrès dans l’histoire de l’humanité, voire même certains discours dits révolutionnaires, marxistes ou autres.

On en vient à l’intérêt principal du bouquin, qui est de mettre en lumière que le développement capitaliste en Angleterre ne s’est pas fait sans douleurs ni contrainte. Ce que l’on nomme principalement  » la Révolution industrielle » n’a pas été qu’une succession de progrès technologiques et scientifiques permettant une augmentation et une rationalisation de la production et par conséquent un progrès. Non, ce que l’on nomme « Révolution industrielle » c’est avant tout une mutation profonde et violente des rapports et des conditions d’exploitation. C’est particulièrement le cas en Grande-Bretagne où les transformations socio-économiques, déjà amorcées depuis plusieurs siècles, ont connu une relative intensification à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle par rapport à d’autres pays. Des transformations qui se sont faites sous l’égide toute puissante de la logique du profit et de la marchandise, par l’exploitation de pans entiers de la population britannique et mondiale.

Enfin, le bouquin prend le parti de présenter les luddites non comme de simples réactionnaires anti-technologie et ce parti pris il fait plaisir. En effet, il est bien simple de caractériser ces ouvriers-artisans et leur lutte comme essentiellement technophobes. De même, il est possible que leur lutte était en partie motivée par une vision nostalgique et fantasmée d’un ancien mode de vie. Il n’en reste pas moins qu’on ne peut décemment pas les qualifier de réactionnaires. D’ailleurs, ce sont les représentants des classes les plus réactionnaires de l’époque, les féodaux propriétaires terriens, qui gouvernaient le royaume lors de l’éclatement luddite. Ce sont eux qui, main dans la main avec la bourgeoisie d’affaire montante, ont sévérement réprimé la rébellion… À l’inverse, qualifier tous les luddites de révolutionnaires, précurseurs du combat contre la « société technologique » et comme combattants de l’émancipation universelle, paraît tout aussi abusif et relève aussi de la mystification idéologique.

Non, dans cette lutte on a davantage affaire à des individus au prise avec des rapports de dépossession dont la mutation s’intensifie. À la violence de ces transformations, perçues avec raison contre leurs intérêts, les luddites répondent alors avec les armes pratiques et politiques qui sont les leurs et avec, il faut bien le dire, une  certaine audace qui ne manque pas d’impressionner.

Notes:

1: Thomas Paine (1737-1809) est un philosophe et révolutionnaire britannique, américain et français. Partisan de la révolution française, il devient notamment député à la convention en 1792. Il a écrit l’ouvrage Rights of Man en 1791 qui défend la révolution française contre les critiques du penseur conservateur Edmund Burke exprimées dans l’ouvrage Réflexions sur la révolution de France publié en 1790. « Publiciste républicain et ami de Paine, Thelwall fut emprisonné de longs mois avec d’autres figures « jacobines » dès la suspension de l’habeas corpus en 1794. Poursuivant le combat pour la liberté, ce républicain fit paraître en 1796 Des droits de la nature qui resteront tout au long du XIXe siècle une référence pour la tendance radicale du mouvement ouvrier. » note tiré du bouquin p.36.

2:  George Gordon Byron (1788-1824) est un poète romantique anglais. Révolté par la société de son temps, il soutient durant sa vie nombre de luttes en Grande-Bretagne et en Europe comme le combat des ludites ou la lutte pour l’indépendance en Grèce. Percy Bysshe Shelley (1792-1822) est aussi un poète romantique britanique. Ami de Byron, souvent plus radical, il partage sa détestation de la société capitaliste naissante. Parmi ses oeuvres contestataires on peut notamment cité La Nécessité de l’athéisme écrit en 1811. Une compilation de ses textes parmi les plus radicaux est publié chez L’insomniaque sous le titre Ecrits de combats. Cet ouvrage est d’ailleurs disponible à la Bibli des brûlots aux rayons Pensées radicales: Les Lumières, Républicanisme radical.

Julius Van Daal, La colère de Ludd : La lutte des classes en Angleterre à l’aube de la révolution industrielle, L’insomniaque, 2012, 288 pages, Dispo au rayon Luttes, Révoltes, Révolutions : Grande-Bretagne

 

 

La volonté de changer, Bell Hooks

La volonté de changer: les hommes, la masculinité et l’amour

Bell Hooks nous propose un essai à la lisière entre plusieurs genres littéraires: théorie politique, sociologie, développement personnel. Principalement axé sur les masculinités.

Le fil conducteur de l’ouvrage est l’inclusion des hommes à la lutte féministe, la critique des identités de genre patriarcales, et la proposition d’une lecture de la question de la masculinité à destination du mouvement féministe.

La démarche s’inscrit dans une critique des courants féministes qui par leur volonté d’émancipation unilatérale de la “classe des femmes” se construit en contre face à une masculinité essentialisée. Elle propose donc un retour sur la construction et l’expérience masculine. En parallèle, elle affirme l’intérêt objectif des hommes à détruire le carcan patriarcal et les rapports qui l’accompagnent, ainsi que la dimension indispensable d’une proposition féministe qui croit dans le changement des hommes et qui puisse s’articuler à une émancipation masculine de la masculinité patriarcale.

Sans pour autant oublier les obstacles bien réels qui se dressent sur la voie d’une telle articulation, Bell Hooks s’attache à faire ressortir l’intérêt commun à toutes et tous d’annihiler les rapports patriarcaux.

Elle s’attarde notamment sur la dimension fondamentalement aliénée de la masculinité patriarcale et sur le grand travail de mutilation émotionnelle qui la rend possible. En somme, toute la victimisation et la répression nécessaires à la création des bourreaux en puissance que sont les hommes patriarcaux.

Selon Bell Hooks les hommes croient avoir tout à gagner dans la masculinité patriarcale alors qu’en y adhérant ils ne peuvent qu’approfondir la misère et l’aliénation qu’on leur a imposé dès le plus jeune âge pour perpétuer le cadre patriarcal. C’est aussi face à ce constat qu’elle souhaite critiquer le postulat féministe qui considérerait que les hommes patriarcaux jouissent d’une forme de vie fondamentalement privilégiée et toute puissante. Un postulat qui reproduirait de ce fait le mirage patriarcal, simplement à partir d’un positionnement moral différent, et qui échouerait à proposer un contre-discours réellement dangereux pour le patriarcat.

Bell Hooks expose dans une lumière crue la misère masculine en société patriarcale.

Plus largement, elle développe une analyse assez fine et intéressante des rôles de genres patriarcaux aussi bien masculins que féminins sous le capitalisme.

On pourra regretter une écriture généralisante qui tend à décontextualiser son propos et oblige à une forme de rapport critique face à certaines parties du livre d’ambitions sociologiques. Rien, ou peu, dans l’écriture ne nous rappelle que l’on est en 2003 aux Etats-Unis et l’on est parfois embêté à distinguer la sociologie sourcée de l’intuition intellectuelle personnelle.

La volonté de changer est un livre dirigé principalement vers les hommes qui souhaitent remettre en question les rapports de domination entre les genres et qui ne se satisfont pas d’un rôle masculin qui serait naturellement coupé de ses propres émotions, violent et dominateur. Un appel aux hommes à cesser de s’identifier à la masculinité patriarcale, et plutôt à la voir pour ce qu’elle est, leur pire ennemi.

Bell hooks, La volonté de changer: les hommes, la masculinité et l’amour, éditions Divergences, 2021, 240 pages, Dispo au rayon Pensées radicales-Critiques sociales: Féminisme-Critique Patriarcat

Le nom du monde est forêt, Ursula Le Guin

Athshe est un monde fôret. La Terre, elle, n’est plus qu’une mégalopole géante. Elle veut s’approprier les ressources d’Athshe pour son propre profit et la perpétuation de son mode de vie. Seulement sur Athshe, il y a d’autres êtres, qui plus est humains, des êtres qui rêvent et qui vivent plutôt en harmonie avec leur environnement. Réduits à l’état de bêtes de somme par des colons avides, ils apprennent alors pour la première fois l’exploitation, le conflit d’intérêt et la violence. (Oui c’est un peu Avatar).

Dans ce bouquin assez court et cool à lire Ursula Le guin nous montre à travers des personnages variés comme un colon-fasciste terrien, un scientifique chargé d’étudier les athshéens et torturé par le sort de ses sujets d’étude, un indigène traumatisé et en guerre totale contre ses ennemis, comment les relations entre les humains c’est compliqué, à fortiori les relations qui comptent…

Le pitch est assez clair, dans ce bouquin, Ursula Le Guin souhaite nous parler de colonialisme, d’écologie et de guérilla à travers le prisme de la Science fiction. Cependant, le livre pose aussi d’autres questions qu’y intéresse tout partisan de « l’utopie » et de la révolution . Comment fonctionne une société qui n’a pas la notion du conflit ? Qu’est ce qui motive la lutte et la violence ? Comment cette violence et cette lutte impactent la société ? Comment impactent-elles un être humain ? Certes le bouquin propose des pistes mais invite surtout à la réflexion. Des questions loin d’être anodines car dans notre société basée sur l’exploitation, productrice d’une violence sordide, à la fois sourde et débridée, tant physique que psychologique, se pose la nécessité de la lutte. Et donc la question de la violence, de la guerre et de leurs conséquences…

Ursula Le Guin, Le nom du Monde est forêt, éditions Pocket, 1984, première parution en 1972, 163 pages, Dispo au rayon Littérature : Science-Fiction

Autres bouquins d’Ursula Le Guin dispos :

La main gauche de la nuit  au rayon Littérature : Science-fiction, se déroulant dans le même univers que Le nom du Monde est forêt et qui est un bouquin plutôt stylé lui aussi.

L’autre côté du rêve au rayon Littérature : Fantastique-Fantasy

 

Le communalisme, Kenneth Rexroth

Le communalisme : Les communautés affinitaires et dissidentes, des origines jusqu’au XXe siècle

Lorsqu’on s’intéresse un tant soi peu au monde actuel et à son histoire, on contaste que la plupart des sociétés humaines se basent sur des principes autoritaires et des systèmes de classes, de castes ou d’ordres hiérarchisés. Il en résulte alors, tout au long de l’histoire humaine, beaucoup de souffrance et d’exploitation.
Cependant, il s’est toujours trouver des individus qui, rebutés par cet état de fait, ont voulu tendre à une société qu’ils et elles considéraient comme plus « juste » et « égalitaire », voire totalement émancipée, que ce soit par la voie révolutionnaire ou par l’établissement « d’en dehors », c’est-à-dire de communautés « d’égaux ».

Dans ce bouquin assez fourni, Kenneth Rexroth présente nombre de ces communautés à travers les âges. S’intéressant à l’idée communautaire, il nous décrit de nombreuses sectes religieuses comme les Frères du Libre Esprit [1] ou les anabaptises et huttérites [2], avides de partage et parfois d’apocalypses rédemptrices. De plus, l’auteur décrit aussi les projets communautaires plus laïques, notamment celles des socialistes dits utopiques comme Owen, Fourrier ou encore Cabet [3].. Ainsi, à travers ce travail, on a l’occassion d’en apprendre plus sur les différentes visions du monde, principes, modes de vie et histoires de ces communautés tentant chacune d’établir leur « communisme ». Non content de s’arrêter à de simples descriptions et récits, Rexroth met aussi en lumière certains invariants à ces différents projets communaitaires. Par exemple, il souligne le rôle essentiel de la religion et/ou de l’idéologie ainsi que des rites pour la cohésion de ces différents projets communautaires et cela qu’ils soient laïques ou religieux.

Malgré l’intérêt que suscite ce taf, on y décerne tout de même certaines limites. Premièrement, et cela est précisé par les éditeurs, les sources dont disposaient Rexroth étaient assez limitées, il faut donc prendre les éléments relatés et les conclusions tirées avec certaines pincettes.
Une autre limite pour nous est le point de vue de l’auteur sur ce qu’il nomme le communisme. À la lecture du bouquin, on devine que pour lui le communisme est un mode de production et de consommation, un modèle de société, quasi transhistorique. En effet, Rexroth, désigne souvent la manière dont vivent et s’organisent ces différentes communautés par le terme de communisme, et cela bien qu’elles aient des idéologies, des principes et aient pris vie dans des réalités historiques ma foi fort différentes. Si nous sommes d’accord avec lui qu’une certaine idée, une certaine volonté de solidarité et de mise en commun, relient ces différentes expériences, nous ne sommes pas d’accord pour faire du « communisme » un modèle de société aussi facilement transposable. Tout d’abord, le communisme, c’est une idée et un concept qui, bien qu’il puise dans une culture et des expériences historiques lui préexistant, est né à la charnière du XVIIIe et XIXe siècle avec l’établissement définitif du capitalisme comme mode de production dominant. En somme, il paraît plus pertinent pour l’analyse d’historiciser davantage le concept de communisme, plutôt que de l’appliquer à des expériences historiques dont les protagonistes ne peuvent pas envisager ni sa conception ni sa pratique.

De plus, le communisme, en tant que mouvement politque et social qui vise à l’abolition des hiérarchies, du travail, de la propriété privée et à l’émancipation des êtres humains par la réappropriation et la transformation collective des moyens de production, doit s’appliquer à une société et même au monde entier. En d’autres termes, il se doit d’être un système hégémonique. Son application ne peut pas se cantonner à des communautés vivant à la marge ou au sein de sociétés hégémoniques qui fonctionnent sur des principes contraires. Si il en est ainsi, et l’histoire de ces communautés et des différents mouvements révolutionnaires radicaux le montrent, un projet de mise en commun radical n’est soi pas viable soit se fait écraser… D’ailleurs, Rexroth lui même pointe parfois cette limite assez clairement. Notamment lorsqu’il s’intéresse à l’histoire des Qarmates puis des Assassins [4], de différentes communautés de bandits et à ce qu’on pourrait nommer le communisme de pillage. Pour lui, le mode de vie et l’existence de ces communautés et sociétés, partiellement ou majoritairement basées, sur la rapine n’étaient et ne sont possibles qu’à l’interstice soit entre les classes d’une société « développée », soit aux marches entre des états ou à leurs frontières. Nous ne pouvons, dans ce cas, que partager son point de vue.

Toujours est-il que, malgré ces limites, les différentes expériences relatées par cet ouvrage, que ce soit par leur conduite, leur échec ou leurs idées, peuvent être utiles, instructives et inspirantes, pour d’éventuels projets révolutionnaires actuels et futurs. Et, loin de l’histoire officielle, parfois progressiste au mauvais sens du terme, ils nous montrent bien que, l’idée d’une vie dont a davantage la maîtrise a de tout temps était plus désirable pour nombre de personnes que la vie pourrie que différents pouvoirs nous vendent et/ou nous imposent depuis belle lurette…

Kenneth Rexroth, Le communalisme : Les communautés affinitaires et dissidentes, des origines jusqu’au Xxe siècle, L’insomniaque, 2019, première parution 1974, 320 pages. Dispo au rayon Luttes, révoltes, révolutions

La gentrification ici et ailleurs

Depuis les années 90 un terme semble incoutournable lorsqu’on aborde la question de l’amménagement des villes : la « gentrification ». Ce terme définit les conséquences des politiques de rénovations urbaines.

 

Depuis les années 90 un terme semble incoutournable lorsqu’on aborde la question de l’amménagement des villes : la «gentrification». Ce terme définit les conséquences des politiques de rénovations urbaines.
La rénovation des centres villes est, depuis les années 80, un enjeu majeur de la politique de la ville. En effet, l’idée est pour nos édiles (maires, conseillers municipaux …) de rénover les centres villes vétustes et de les «valoriser» par la même occasion. En gros prenez un centre ville ou le bâtit décrêpit ne permet pas d’augmenter les loyers et et vous avez un centre ville de bas standing. Rénovez maintenant des logements datants parfois de l’après guerre et vous pourrez augmenter vos loyers, ainsi vous aurez des locataires plus fortunés, un centre ville de plus haut standing et donc la possibilité d’adapter les commerces et le coût de la vie dans le centre à une population (clientèle) plus aisée. C’est cela la gentrification, la transformation des centres villes qui a pour conséquence d’exclure ceux qui n’auront pas les moyens de vivre dans ce centre rénové et embourgeoisé.
Pourtant quand on regarde dans quel logements certains proprios font vivre leur locataires il y a de quoi rêver de ces centres villes moins énergivores, plus verts et plus agréables à habiter. Mais il ne faut pas s’y tromper dans un monde ou tout se marchande (vaut un prix) ces rénovations ne sont pas faites pour les habitants pauvres des villes. Si ce phénomène n’est nommé gentrification que depuis les années 90 il existe depuis la fin du XIXème ; les boulevards haussmaniens de Paris n’avaient pas été construit pour les ouvriers du vieux Paris qui furent repoussés de l’hyper centre au faubourgs …
Paris d’ailleurs est bien le modèle de la ville rénovée ou les cadres vivent dans des quatiers pittoresques au milieux d’un centre ville transformé en galerie marchande géante ou flannent les commercants petits et grands et les cadres supérieurs. Pendant que ceux qui n’ont plus les moyens de se loger dans le centre (travailleurs au SMIC, petits salaires, précaires, chomeurs, familles nombreuses etc) vont habiter toujours plus loin des centres, tout en devant venir souvent y travailler. Et le comble est que ce qu’ils retrouvent en banlieu se sont des logements encore vétustes et toujours un loyer à payer … Ca valait bien la peine de voter pour le grand projet «Nouveau centre ville 20**» !
Cette gentrification se développe également du fait de considérations économiques ainsi la position géogaphique d’une ville par rapport aux grands axes d’échanges ou au coeurs économiques, étatiques d’un pays peut soit accélérer soit ralentir ce phénomène. Il convient alors pour les maires et leurs élus de durement batailler pour être reconnu comme une place attractive. Pour cela il faut développer des bassins d’emploi propre à attirer des cadres, et des investissements de prestiges pour gagner en «attractivité’’ ; capacité à transformer son centre en un enroit chic ; économiquement attractif …Autement dit pas pour les pauvres qui habitent encore les centres villes. A titre d’exemple de cette «compétition» ou plutôt de cet enjeu on peut citer le classement que fait Forbes annuellement des villes les plus «attracive», et ou Brest est arrivée en 2020 à la première place. Cela permet à cette petite ville d’attirer le premier janvier 2023 une société américaine du numérique, Accenture. La ville d’ailleurs ne cache pas ses ambitions avec la rénovation des bords de la Penfeld, avec l’ouvture du centre culturel des Capucins qui acceuil maintenant tout les forums sur le «développement» économique.

Si nous ne voulons pas nier que cette rénovation du bâtit est nécessaire nous ne pouvons que constater que dans une société capitaliste elle n’est pas faite pour la qualité de vie des habitants mais pour dégager une marge plus importante pour les propriétaires. Et on les entends déjà ceux qui nous diront «Oui mais le proprio il le rénove, ca lui coute, il doit se rembourser gna gna gna» … Déjà les politiques de gentrification se font à l’initiative de nombreux acteurs : entreprises de BTP, propriétaires et mairie (relais de l’état) et ne vous inquiétez pas, souvent l’Etat finance à grand coût d’aides les rénovations des propriétaires… Quand au promoteurs et bien se sont les spéculateurs en chef de l’immobillier ils construisent puis revendent des logements qui ne seront plus habitables même par ceux qui, travaillant dans le batiment, oeuvrent souvent sur les chantiers de rénovation. Bref le casse du siècle, soutenu avec enthousiasme par l’état et ses administrations locales. Quand au priopriétaire qui souvent a touché des aides de l’Etat pour sa rénovation, il continuera à se gaver en augmentant grassement le loyer !
En parallèle de cette exclusion des plus précaires des centres villes il faut ajouter que la gentrification se produit alors que la tendance depuis les années 70 est à la concentration par la métropole (la ville monde littéralement) des services et activités sociales : santé, éducation, loisir, travail… Exclure les plus précaires des centres villes a donc pour conséquence de condamner un nombre conséquent d’entre eux à vivre éloignés de services essentiels et donc à perdre leur temps (comme si le travail ne suffisait pas à perdre son temps dans les transports en commun interminables (cf : le métro à Paris). Hors du centre : c’est l’espace des zones industrielles, des quartiers enclavés et bien sur de cette campagne monotone vidée de tout qui s’étend à perte de vue. Sous le capitalisme on rationnalise et on concentre dans des zones spécialisées les acivités et qu’importe la stratification absurde des espaces que cela engendre.

Cette tendance à l’augmentation des loyers dans les centres villes se renforcent et se combine avec des phénomènes nouveaux et opportunistes. La mode des Airbnb, par exemple, qui permet aux proprios de louer cher et sans même s’emmerder avec un locataire à l’année. Ainsi les cadres et les patrons auront ils de temps à autres pour voisin un salarié ou un précaire qui aura économisé pour un séjour dans un Aibnb qu’il rêverait être son appart à l’année … Et qui lui permet un temps de vivre dans un hyper-centre.

Il faut ici tirer deux constats : la gentrification n’est pas à notre avantage et son degrés d’avancement est variable selon les quartiers et les villes. Qu’en est il alors de Brest ? Et bien elle ne fait pas exception à la norme. Avec plus de 32 % d’augmentation des loyers en 5 ans la Métropole Océane prend enfin en marche le train de la gentrification. Avec le départ de l’armée, la Penfeld se dégage ; enfin l’espace rêvé pour élargir Siam et avoir sa Riviera ! En parallèle ne reste qu’à gentrifier le pourtour, de saint marc à Recouvrance, de saint martin à Europe.
Bientôt à Brest comme ailleurs nous vivrons éloigné de nos lieux de travail et de vie. Il existe donc un fossé entre les locataires et les bailleurs. En effet cette question de la genrification est lié, ne nous y trompons pas, à celle de la propriété privée du logement. Car oui si les loyers peuvent augmenter c’est bien que quelqu’un nous les réclame ! Si l’acquisition de la propriété d’usage (un logement ou on vit) est de plus en plus dur, c’est bien parce que certains les vendent en les quitant ou les accumulent, les achètent pour ensuite les revendre. Bref c’est ce système d’échange et d’accumulation que nous devons critiquer en même temps que la gentrification : la gestion capitaliste et marchande du logement.
Mais avant d’en arriver à l’abolition du marché de l’immobilier et des profiteurs qui en vivent et s’en gavent il faut pouvoir lutter contre leur politique de la ville. Pour cela il nous faut nous retrouver et prendre conscience de nos interêts communs, pour cela, dans un monde atomisé (c’est à dire qu’on ne connait guère nos voisins) il faut ouvrir des espaces de rencontres. Les repas collectifs, mutuelles d’entraides, sont autant de prétextes à se tenir au courant de nos situations et à faire connaissance.
De la naitront les moyens de notre résistance à la gentrification de Brest et d’ailleurs, la solidarité en cas de coup dur et le recours collectif (empêcher une expulsion par exemple, exiger une baisse de loyer, ou cesser de le payer) semble pour nous un préalable à ce combat pour reprendre le pouvoir sur la ville et les centres dont nous avons été exclus. L’abolition de la propriété privée du logement et de sa marchandisation sera un cap, certes qu’il sera dur d’atteindre mais qui donnera la force de resister à l’offensive des promoteurs du centre ville de haut standing et bientôt, espérons, de passer à l’offensive !

Enfin pour couper court à une critique que nous craignons, nous ne sommes pas nostalgiques des logements vétustes, amoureux de la moisissures ou du «charme pitoresque» des vieux centres … Mais si nous voulons voir nos centres rénovés c’est pour et par nous ! Sans patrons de BTP imposant des chantiers avec effectifs réduits et cadences doubles, ni pour voir nos loyers grimper, ni pour remplacer une population par une bourgeoisie bon ton ! Ca sera pour nos conditions de vie et ca sera … Gratuit !
Parce que nous sommes une écrasante majorité d’habitants et qu’ils sont une poigné de vautours : Reprenons le pouvoir !

A bas la propriété privé et l’accumulation! Tout pouvoir à la base !

 

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Retraites à 60 ans? Non merci!

Spectacle

La nouvelle reforme des retraites tentée actuellement par le gouvernement, se retrouve être une des réformes les plus contestées de ces 20 dernières années. S’y trouve opposé un large front, de la gauche libérale en passant par les partis réformistes et syndicats co-gestionnaires jusqu’aux révolutionnaires, un front si large nous apporte nécessairement, entre autres, le spectacle d’un conflit parlementaire d’envergure.

Ce conflit donne lieu à un spectacle ridicule, entre envolées lyriques et insultes voilées mais toujours très mesurées (républicaines). Les Insoumis cachant derrière l’outrance une fausse radicalité travaillée. La direction de la CGT elle, voudrait débattre ; préalable sûrement à la future négociation qu’elle fera sur le dos du mouvement, elle reste dans son rôle, celle de co-gestionnaire de l’enfer salarié.

Ce spectacle ne fera que pointer à toutes celles et ceux , qui déjà rejetait le jeu parlementaire ou qui n’y voyait qu’un intérêt très limité, la dépossession politique qui est la leur. L’impossibilité, malgré des millions de personnes dans les rues, d’une prise de pouvoir réelle sur le monde qui nous entoure, cadenassé par l’état, le capitalisme et la sociale démocratie.

Assemblées

Autre composante du mouvement les assemblées autonomes ou se réunissent bien des gens, étudiants ou travailleurs et qui ont majoritairement pour souhait un mouvement plus intense et qui dépasse les cadres légalistes.
Bien loin de la mollesse intersyndicale ces AG , par leur dynamisme et leur organisation horizontale semblent être les seuls bastions subversifs de ce mouvement. Elle sont la résultante d’un mouvement réel attaché à lutter bien au delà de la réforme des retraites.

Dans ces AG pourtant, comme dans le reste du mouvement un terme revient souvent, celui de la massification. Le mouvement le nécessiterait, il nous faudrait y tendre. Un chiffre est pourtant clair et répété à foison : 93% des actifs serait contre la réforme. Le travail de ces assemblées est-il d’augmenter ce pourcentage ?
La massification n’est elle pas qu’une chimère paralysante répétée en boucle, par les tenants du mouvement qui ne recherche qu’un simple retrait ou une négociation du moins pire? Cette massification n’est pas une chimère paralysante dans la possibilité de futures actions mais bien paralysante de l’horizon politique désirable qu’elle empêche et dilue.

Horizon politique désirable

La CGT et SUD nous parle d’une retraite à 60 ans mais elle ne sont pas seule, l’UCL est de la partie.
Ils nous parlent de la stratégie de la petite victoire, devant nous permettre d’ouvrir dans les esprits l’horizon des luttes. Mais avec l’état actuel du combat syndical et le peu d’engouement à la grève, est ce seulement une stratégie valable ? Un horizon politique plus large ne motiverai t’il pas plus?
Nos réalités face au travail sont aujourd’hui si éclatées que refuser d’agir globalement sur le monde qui nous entoure, nous enferme dans une opposition stérile et dans des luttes syndicales corporatistes en échec face à ces nouvelles réalités. Quand le mouvement ouvrier à pu offrir une vision du monde globale, un modèle de société viable, désirable. C’est le seul moment ou il a pu attirer les gens vers lui.

La revendication d’une retraite à 60 ans n’est pas désirable, on larbinera certes deux ans de moins, mais on larbinera toujours.

Pour cet optique d’horizon désirable, pour des objectifs motivants et avec une prise palpable sur la vie de tout les jours. Il nous faut prendre l’exemple des gilets jaunes. Mouvements initié par un rejet de l’augmentation des prix du carburant, objectif limité sommes toutes. Celui ci déborde rapidement sur la question de la vie quotidienne et de l’augmentation globale des prix. Mais aussi sur la question de l’organisation politique et sociale, avec l’anti-bureaucratisme qui émerge du mouvement, celui-ci s’exprimant par l’ostracisation des chefs autoproclamés. Tout cela avec une organisation en assemblée qui leur semblait couler de source. La revendication, certes très questionnable du RIC, démontre également cette volonté que ce mouvement à eu d’agir globalement sur le monde qui l’entoure.

Ce mouvement des retraites nous permet sans difficultés de poser la question centrale du travail salarié. En effet qui, face aux chiffres avancés par les différents camps, ne calcule pas le temps qu’il lui reste à subir, le temps qu’il lui reste à sacrifier pour payer la Mercedes du patron, ou le voilier du proprio.
Souhaitons nous encore sacrifier notre temps pour des intérêts qui ne sont pas les nôtres. Et quand bien même nos activités ont un rôle éminemment collectif, comme le soin par exemple, combien de temps accepterons nous notre totale dépossession sur ces questions, dans l’intérêt seul de ceux qui recherche le profit.

Le travail salarié nous dépossède de tout, du sens de nos vies, à notre temps en passant par les réels besoins collectifs.

Faire passer la question de la défense des retraites, objectif de composition républicaine, à celle de la destruction du travail salarié, objectif de subversion du système capitaliste paraît être une solution aujourd’hui envisageable et surtout désirable.

 

Comme on dit à Brest :

« Mauvais larbins de tout les pays unissons nous ! ».

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